Article analysé par Isabelle Gallay, supervisé par Isabelle Rousseaux.
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Six années d’expérience utilisant un algorithme avancé pour les traitements par toxine botulique
Six years of experience using an advanced algorithm for botulinum toxin application
Gabriela Casabona MD, Kai Kaye PhD, Paula Barreto Marchese MD, Ricardo Boggio PhD, Sebastian Cotofana PhD.
J Cosmet Dermatol. 2019; 18:21–35.
Les auteurs soumettent un algorithme de traitement qu’il utilisent depuis 6 ans pour traiter les patients avec la toxine botulique : ils conseillent de bien connaître les guidelines, mais avancent qu’une bonne analyse des visages conduit à modifier les paramètres de base, profondeur, dose, dilution, nombre et localisation des différents points ;
Pour cela ils font référence à 5 articles (non retrouvés)
Prérequis pour ces auteurs :
– dilution de 100 unités de ABOnT dans 1ml de sérum physiologique à 0,9%
– profondeurs d’injection différentes selon les zones :
-profonde à 90° dans procerus, mentonnier, masseters, depresseur anguli oris sur la ligne mandibulaire, cordes platysmales, levator labii superioris, columelle
-moyenne à 45° pour frontal, orbiculaire externe, nasal
-superficielle à 30° pour orbicularis oculi sup et inf, et orbicularis oris
. Ils distinguent 5 schémas d’injection de la glabelle, car procerus et corrugators interviennent dans les contractions, mais aussi parfois l’orbiculaire médian et le frontal
– le plus courant est celui en V avec 2,5 à 5 U sur le procerus si la glabelle est large
( sourcils éloignés)
– doubler la dose sur le procerus ( 5 à 10 U) si la glabelle est étroite
– Si les DS( Depressor supercilii) participent à la contraction en abaissant la tête des sourcils donnant un air en colère: il conseillent de bloquer le procerus en 2 points ( 2,5 ou 5 U), ou en un point central de 5U, et de piquer un point superficiel ( 2U) à 3 mm de part et d’autre du point central
– Si l’ orbiculaire médial intervient dans les rides de la glabelle ( une ride se forme sous la queue du sourcil lorsqu’on fait fermer les yeux très fort), ils conseillent d’injecter 2U très superficiellement juste au-dessus du sourcil
– Si le frontalis intervient dans les rides de la glabelle (des rides médianes se forment en fronçant fort de sorte à descendre les têtes des sourcils), ils conseillent d’injecter 2 unités à 4 mm au dessus de la ligne intersourcillière dans chaque bord médial du frontal
. Ils distinguent 4 schémas d’injection du front, en fonction des contractions du frontal
– le schéma classique : 6 à 15 U par côté sont requises pour traiter les rides frontales
– rechercher avant tout si le patient est obligé de mobiliser son frontal pour ouvrir les yeux : si c’est le cas, ne pas injecter plus de 6 à 8 unités par côté
– en cas de ptose de la tête ou de la partie médiane du sourcil injecter de très faibles doses dans la partie médiale du frontal qui agit pour lever les sourcils, et décaler en vertical les points par rapport à ceux dessinés sur le procérus
– en cas de ptose de la queue du sourcil, ne pas injecter latéralement ou uniquement 2 points de 1 U , très superficiels et très haut, si les rides sont marquées ; il est conseillé d’associer une volumétrie.
Quatre points sont à évaluer concernant la correction des contractions de l’orbiculaire, qui s’intriquent avec celles du corrugator pour froncer les sourcils, du nasalis pour cligner des yeux, et du zygomatic pour le sourire : dans ce dernier cas la correction des rides a plus à voir avec la volumétrie.
– en cas d’apparition de rides sous la partie latérale du sourcil quand le patient ferme très fort les yeux, ils recommandent 1 à 2 U en 1 ou 2 points
– en cas de rides zygomatiques lorsque le patient sourit, l’injection de 0,5 à 1 U en 1 ou 2 points sur le bord supérieur de l’arcade zygomatique est possible, et il est conseillé de restaurer les volumes ; l’injection de 2 unités est possible en l’absence de rides au sourire
– en cas de laxité ou blépharochalazis de la paupière inférieure, avec présence de rides au canthus interne, 0,5 à 1 U peuvent être injectés en un point ;en l’absence de laxité et s’il existe des rides sur l’orbiculaire latéral, une injection de 1U peut être ajoutée au sommet de chaque côté, ; si le patient souhaite améliorer l’ouverture de son oeil,, 0,5 à 1U peut être injecté en un point central de l’orbiculaire pré-tarsal.
. Au tiers inférieur de la face, les trois muscles, mentalis, depressor anguli oris, orbicularis oris, contribuent, en continuité avec le platysma, à abaisser les commissures et créer les « marionnettes lines », particulièrement en cas de rétrognatisme.
– l’aspect « cellulitique » du menton est amélioré d’après ces auteurs par 2 points de 2 à 3 U, à 5 mm de part et d’autre de la zone médiane ; si le menton est large, 1 point à 2 à 3 mm de part et d’autre du précédent, de 1 à 2 U, et si toute la hauteur du menton est concernée, un autre point de 1 à 2 U est conseillé au milieu du menton, 5 mm au-dessus des précédents
– L’abaissement des coins de la bouche lorsque le patient la contracte en même temps que le platysma, indique d’injecter le Depresseur Angulis Oris (DAO), en un point profond sur le rebord basilaire 1 cm en arrière d’une ligne imaginaire qui va de l’aile du nez à la mandibule en passant par le coin de la bouche (2 à 4 U), en associant 0,5 à 1 U superficiel en cas de rides qui indiquent la participation du platysma ( insertion haute) dans cette mimique.
. Dans la région nasale, 3 muscles sont en action : le nasalis, le releveur de la lèvre supérieure, le muscle abaisseur du septum nasal
Si des rides horizontales se forment sur la paroi latérale du nez lorsque le patient force la fermeture des yeux et contracte le nasalis ( transverse du nez), injecter 2U de chaque côté du nez, plus 2U sur le dorsum si les rides s’y rejoignent.
En cas de sourire gingival,( 4 mm de gencive sont découverts au sourire), 2 à 4 U peuvent être injectées à 2 à 3 mm de part et d’autre du nez dans le releveur de la lèvre supérieure, en informant bien le patient du changement qui va s’opérer.
L’abaissement de la pointe du nez au sourire, est corrigée par l’injection de 2 à 4 U profondément à la base de la columelle, dans le muscle abaisseur du septum nasal ( il diminue aussi le diamètre de la narine)
. Concernant les muscles masticateurs, l’hypertrophie du masseter masculinise un visage, alors que celle du muscle temporal élargit le front
La palpation repère les bords du masseter et son activité en faisant serrer les dents très fort : une injection de 2 points de 5 U (ou 10 U si l’hypertrophie est majeure, ou bien si le patient se plaint de céphalées) espacés de 5 mm à 10 mm, associé à 1 point de 5 U à 5 à 10 mm au dessus de ceux-ci.
Un front élargi peut être amélioré par l’injection de 3 points parallèles à la ligne de fusion temporale, 5 cm au-dessus de l’arcade zygomatique, et espacés de 10 mm, de 2U par point ( 5U si en cas de céphalées associées)
. Au niveau du cou, on peut agir sur le DAO et le platysma
Ces deux muscles se rejoignent sur la mâchoire et contribuent à abaisser les commissures : on peut l’observer en faisant contracter le cou.
Si des bandes platysmales sont présentes, elles sont très faciles à traiter avec 2 à 3 points de 2U tous les cm le long des bandes, ou bien si la contraction est maximale en regard de la machoire, 3U à ce niveau, puis 2 puis 1 ; on peut aussi rajouter des unités sur une ligne horizontale entre les bandes, et si la contraction concerne tout le muscle sans bandes platysmales visibles, on pique 2U tous les 2 cm sur 2 ou 3 lignes horizontales, pour un total de 15 à 30 U. Il faut parfois rajouter une ligne de 3 points de 2U espacés de 1 cm sur la clavicule.
Pour prouver la validité de leur algorithme de traitement, les auteurs comparent 500 patients traités antérieurement selon les guidelines, au même nombre de patients traités selon leur algorithme, notamment pour la glabelle, l’orbiculaire de l’oeil et le frontal ; ils utilisent des doses plus fortes et plus de points avec leur algorithme.
Ils rapportent que le degré de satisfaction est supérieur chez les patients traités selon leur algoritme et que les retouches à 15 jours sont moins importantes, et concluent en disant que chaque patient doit être injecté sur un mode qui lui est propre, ce qui est plutôt contradictoire avec le fait de proposer un algorithme !
L’intérêt de leur publication est plutôt de montrer qu’injecter de la toxine n’est pas un geste stéréotypé avec des points invariables. Connaître parfaitement l’anatomie, les rapports des muscles entre eux, les variations individuelles en statique et en dynamique dans les différentes mimiques, contribuent à la réussite du traitement. C’est pour toutes ces raisons qu’il est très difficile de proposer des algorithmes de traitement sans les complexifier : c’est un peu le problème des schémas proposés par ces auteurs !
J’en profite pour faire référence au dernier article sur la toxine (commenté par Randa) sur les relations anatomiques entre le bord latéral du muscle frontal et la crête temporale. J’ai eu envie de rajouter que les fibres du muscle frontal n’on pas toutes la même action : les fibres médianes et supérieures (le muscle étant en éventail), sont des abaisseurs : pour bien relever le front, il faut piquer haut et proche du centre. Les fibres latérales et plus bas situées sont releveurs : il ne faut pas piquer là si on veut relever le front ; en revanche, si on craint un méphisto en faisant actionner ces fibres, il faut piquer un point en latéral, au niveau de la contraction qui fait la crête de l’accent circonflexe ; mais parfois ce méphisto se produit quant même et c’est là qu’on devine que les fibres latérales du frontal dépassent la crête temporale (on peut alors noter cela dans le dossier du patient en vue des injections ultérieures, afin de prévenir ce méphisto en piquant plus extérieurement au delà de la crête temporale). Mais l’absence de méphisto ne veut pas dire qu’il n’existe pas de fibres frontales allant au-delà de la crête temporale : en effet celles –ci peuvent exister et prendre le relais au bout de quelques années d’injections répétées (comme si le « muscle se déplaçait), ce qui pourrait expliquer une partie de ce que l’on qualifie de « résistance », ou NRS ( non réponse secondaire) : on pique des fibres qui sont déjà affaiblies, et non celles qui prennent le relais.
Commentaires Isabelle Rousseaux
Tout a fait d’accord, chaque injection doit être personnalisée bien sûr et il faut toujours réévaluer ses points d’injections au fil du temps car les muscles varient en tonus, longueur, épaisseur etc
Ceci étant il est bien d’avoir des guides lines et de s’en inspirer