Dermatologic Surgery
Analysé par Anne Le Pillouer
C’est encore dans les lettres et communications en fin de revue que nous avons trouvé des informations intéressantes pour notre pratique
- Comprendre les hématomes retardés après injection : rôle de la molécule et non de la technique d’injection
Understanding Delayed Bruising After Hyaluronic Acid Injections : Why the molecule and Not the Injection Matters
Sadeghpour M, Dover JS : 471-473
Les hématomes immédiats sont dus à une lésion vasculaire, leur prévention passe par une technique rigoureuse et une pression ferme après injection. Les hématomes retardés de 24 à 36 h sont fréquents et on pense souvent qu’ils sont dus à une erreur technique. Ils s’installent brutalement sans signe précurseur. Les injections sont généralement faites avec une aiguille de 30G comme celles de toxine botulique et pourtant on n’observe pas ces hématomes retardés après injection de toxine. L’AH est un glycosaminoglycan comme l’héparine et peut interagir avec l’anti-thrombine pour allonger le temps de coagulation et exercer un effet antithrombotique. Des études antérieures ont montré que l’AH pouvait diminuer l’agrégation plaquettaire et que l’injection intravasculaire d’AH chez le rat pouvait entraîner une coagulopathie avec allongement du temps de saignement et saignement de tous les points d’injection. La faible concentration et quantité d’AH injecté ne peut pas entrainer en pratique clinique d’absorption systémique. Par contre localement ces propriétés peuvent expliquer les hématomes retardés même dans les mains d’injecteurs expérimentés après microlésions vasculaires non détectables immédiatement. D’autres facteurs sont également importants : profondeur d’injection, diamètre de l’aiguille. Les canules à bout mousse causent moins d’hématomes immédiats et retardés car moins de lésions et microlésions vasculaires. Il faut rappeler à nos patients d’éviter la prise de tout agent potentiellement anti-coagulant avant les injections : aspirine (sauf si indication médicale), AINS, compléments alimentaires à base de vitamine E, huiles de poisson, oméga3, oignon, ginkgo biloba, gingembre, glucosamine, kava-kava, céleri et thé vert… qui peuvent tous interférer avec l’adhésion plaquettaire et la coagulation
Commentaires : La présence de lidocaïne ou non n’est pas évoquée alors qu’en pratique clinique nous avons tous vus le taux de ces hématomes retardés augmenter ? mais l’article est très intéressant ainsi que la liste complète des médicaments, compléments alimentaires ou aliments à éviter de consommer les jours précédents les injections.
- Traitement du sourire gingival par injection d’acide hyaluronique
Treating the Gummy Smile With Hyaluronic Acid Filler Injection
Peng PH, Peng JH : 478-480
Le sourire gingival est défini comme une visibilité excessive de la muqueuse gingivale au sourire (> 2-3 mm). Sa correction chirurgicale est lourde (durée, coût, risques…). La toxine botulique permet de relaxer les muscles péri-oraux (2 à 3 UA en 1 ou 2 points par côté). Les injectables peuvent être injectés dans ou en superficie des muscles et créer une diminution partielle de la fonction musculaire.
Il faut avant tout examiner le patient et définir les causes de son sourire gingival :
Le type antérieur (et central) est le plus fréquent. Il met en cause les muscles depressor septi nasi (DSN) et levator labii superioris alaeque nasi (LLSAN). Le DSN est injecté au niveau de l’épine nasale, le LLSAN est injecté au niveau de la fosse canine (partie haute du sillon naso-génien). Si le sourire gingival met en jeu d’autres muscles il faut injecter dans la partie basse de la joue.
Technique d’injection : Voluma (Vycross 20 mg/ml) – durée de 6 à 8 mois
- Fosse canine : 0.2 à 0.3 ml / côté – aiguille de 27G
- Epine nasale antérieure : 0.2 à 0.4 ml au contact de l’os – aiguille de 27G
- Partie basse de la joue : 0.4 à 0.5 ml par côté en profondeur – canule
Discussion :
– attention au niveau de la fosse canine : artère faciale dans le SMAS donc injection en profondeur au contact de l’os, test d’aspiration, injection lente et écoute attentive du ressenti du patient
– Durabilité plus importante des injections d’AH (6-8 mois) que de la toxine (3-5 mois) mais AH plus coûteux
Commentaires : Peter Peng ou ‘’Peter Pan’’ comme il aime se présenter est un orateur de Taïwan extraordinaire très pédagogue et très expérimenté. La technique est bien décrite et effectivement avec la toxine on est souvent déçu du peu de durabilité de l’effet obtenu.
- PRP pour le traitement du mélasma résistant
Platelet-Rich Plasma Therapy in the Treatment of Recalcitrant Melasma
Garg S, Khillan K, Bharija SC : 482-484
1 cas clinique
Femme de 42 ans, d’origine Indienne, traitée depuis 2 ans (protection solaire, agents dépigmentants variés dont hydroquinone) sans aucune amélioration ; début d’un traitement par acide tranéxamique (AT) 250 mg 2 fois/j, toujours protection solaire et agents dépigmentants combinés dont trio de Kligman le soir et des peelings alpha et béta hydroxylés (2) et rétinoïques (2) à intervalle de 3 semaines : aucune amélioration. Arrêt de l’AT, poursuite des soins locaux et décision de traitement par PRP
MASI évalué à 17.7
6 séances de PRP (esp de 3 à 10 semaines) entre mars et novembre (été-automne)
5 ml/séance, aiguille de 32G en ID (0.1 ml / 1 à 1.5 cm)
Evaluation 6 semaines après 6 séances : patiente très satisfaite, MASI à 7.5
Pas de récurrence à 3 mois
Publication antérieure rapportant l’efficacité du PRP pour le traitement du mélasma : Ann Dermatol 2014, Gayirli M
Les plaquettes contiennent plus de 30 molécules ‘’bioactives’’ dont du PDGF, du TGFβ 1 et β2 qui inhibent la synthèse de mélanine par activation retardée des voies de l’ERK et pour le PDGF stimule le collagène, la néoangiogenèse, la production de matrice extracellulaire ce qui peut améliorer le mélasma
Commentaires : le PRP est proposé en dermatologie pour les plaies chroniques, le rajeunissement, les cicatrices d’acné et l’alopécie. Le mélasma est peut-être une nouvelle piste. Les auteurs décrivent abondamment leur façon de préparer leur PRP , jusqu’à la vitesse de centrifugation … On sait que la qualité du PRP utilisé notamment le compte plaquettaire est très important et que tous les PRP ne sont pas égaux en termes de résultats pour la même indication. Des études sur son intérêt dans cette pathologie difficile à prendre en charge seront intéressantes à suivre…
- Granulome dû au silicone traité par méthotrexate
Adverse Granulomatous Reaction to Silicone Filler Treated With Methotrexate
Perez-Ruiz C, Barabash-Neila R, Zulueta Dorado T et al., : 489-492
Femme de 67 ans présentant depuis 1 an des lésions faciales cutanées indurées au niveau de zones injectées 2 ans auparavant en profondeur (glabelle, tempes, sillons naso-géniens et région périorale). Histologie typique de granulome au silicone. Traitements successifs sans résultat par triamcinolone intra-lésionnelle, corticoïdes oraux, colchicine, allopurinol. Injections de méthotrexate 15 mg en sous cutané par semaine : régression complète en 3 mois sans récidive à 1 an. Pas de perturbation biologique (NF, fonction hépatique, rénale et lipides)
Discussion :
– Les vrais granulomes à CE sont rares (0.1%) et généralement dus à des produits permanents ou semi-permanents. Ils apparaissent entre 2 mois et 10 ans après l’injection. L’étiologie est débattue, une infection pourrait favoriser une réaction immunitaire (RI) croisée ou stimuler une RI retardée.
– Facteurs favorisants : grande quantité injectée, produit permanent, impuretés, injections superficielles, infections.
– L’histologie permet de confirmer le diagnostic et de typer le matériel injecté. Le silicone est interdit aux US par la FDA depuis plusieurs années.
– Options thérapeutiques :
- Injections IL de triamcinolone, 5FU ou bléomycine
- Corticoïdes per os
- Allopurinol, colchicine, isotrétinoine, cyclosporine, imiquimod
- Antibiotiques
- Excision chirurgicale
– Le méthotrexate (anti-prolifératif et anti-inflammatoire utilisé pour le traitement d’autres pathologies granulomateuses comme la sarcoïdose) a été efficace et bien toléré
Commentaires : Un cas de plus pour souligner l’intérêt du MTX pour la prise en charge des ‘’vrais granulomes tardifs’’ post-injections. Le Dr Cogrel nous en avait déjà rapporté l’efficacité lors des dernières journées du gDEC.