Dermatologic Surgery Février 2019
Analysé par Anne Le Pillouer-Prost
Atteinte vasculaire après injection d’acide désoxycholique
Vascular Injury After Deoxycholic Acid Injection
McKay Cather
Dermatol Surg feb 2019 45(2) :306-308
L’acide deoxycholique (Kybella) est un traitement cytolytique approuvé aux USA par la FDA depuis 2015 pour la réduction de la graisse sous-mentale. Des effets secondaires sont rapportés au site d’injection : gonflement, hématome, douleur, insensibilité, érythème et exceptionnellement parésie mandibulaire, céphalée, hypertension, dysphagie.
Les auteurs rapportent 2 cas d’accident vasculaire immédiats, jamais décrits malgré une technique classique recommandée (marquage rebord mandibulaire, grille avec points de 0.2 ml espacés de 1 cm, sans extension du cou) :
– Femme de 20 ans : douleur immédiate après injection d’un point situé sur la ligne sous mentale du milieu suivie d’un blanchiment s’étendant du cou à la lèvre inférieure et un aspect réticulé livedoïde en quelques minutes. Amélioration en 30 minutes après application de compresses chaudes et massage. Corticothérapie orale. Régression complète après plusieurs jours
– Femme de 40 ans, 2ème séance. Douleurs du cou à gauche irradiant jusqu’à la lèvre inférieure et les dents à la fin de la séance. Application d’un gel à la trinitrine et compresses chaudes avec amélioration des symptômes. Corticothérapie orale, doxycycline et aspirine. Contrôle à J3 : purpura réticulé, vésicules hémorragiques et sourire asymétrique. Corticothérapie locale 2 fois/j. Contrôle à 2 semaines : résolution complète, pas de séquelle.
Discussion :
– La cause de ces complications est une injection intra-vasculaire accidentelle avec
- action cytolytique direct du produit sur les cellules endothéliales et
- Inflammation secondaire des parois vasculaires et vasospasme d’où
- Ischémie et nécrose
– Précautions d’injection
- Utilisation de la grille standard d’injection
- Vigilance surtout tout le long du bord inférieur de la mandibule (trajet de la branche mandibulaire de l’artère faciale jusqu’au menton et de la branche mandibulaire marginale du nerf facial qui croise le maxillaire au point »antegonial notch ») d’autant que possibilité de variations anatomiques individuelles ou surtout post-traumatiques ou chirurgicales.
- Eviter toute extension du cou ce qui peut modifier les trajets habituels ou rendre les injections plus profondes…
- Respect de l’angle d’injection : 90 °
- Respect du plan d’injection dans la graisse sus-platysmale
- Trop superficielle : risque de nécrose
- Trop profonde : risque d’altération du platysma ou de la graisse sous-platysmale
– Malgré toutes ces précautions, respectées par les auteurs, il y a eu injection dans l’artère sous-mentale avec atteinte de tout son territoire (menton et lèvre inférieure homolatéraux)
– Conduite à tenir : compresses chaudes, massage, vasodilatateur topique, aspirine et sildenafil, noyage de la zone par du sérum physiologique pour diluer le produit et corticothérapie générale et locale pour minimiser l’inflammation
Commentaires : Une petite communication à la fin de la revue mais intéressante à connaître avant de se lancer dans ce type de traitement. A l’évidence malgré le respect des procédures et de la grille d’injection il existe des risques vasculaires à ce type d’injection. Ce qui permet d’introduire le deuxième article fort intéressant de cette revue :
Anatomie des structures veineuses superficielles du cou : Etude sur cadavre pour guider les injections superficielles
Anatomy of the Superficial Venous Structures of the Neck : A Cadaveric Study to Guide Superficial Injections
Lee HJ, Ryu SY, Cong L et al. p203-209
Etude de la localisation et des anastomoses des réseaux veineux jugulaires antérieurs et externes (AJV et EJV) et de la veine communicante (CV) des faces latérales du cou pour déterminer les zones à risques d’injection (30 cadavres coréens)
Les trajets des AJV et EJV sont bien connus mais peu de travaux se sont penchés sur les CV
Plusieurs variantes ont été identifiées par les auteurs
Type IA (33.4%) : CV le long du muscle sternocleidomastoidien (SCM)
Type IB (23.3%) : CV IA + veine plus basse communicant entre CV et EJV à hauteur du larynx
Type IC (13.3%) : CV parallèle mais à légère distance du muscle SCM
Type II (30%) : pas de veine communicante
Commentaires : Il faut aller voire les schémas et lire l’article qui est sans schéma impossible à vous résumer efficacement (impossible à vous reproduire en raison des droits d’auteurs…). Il faudrait des études identiques sur des patients de différentes ethnies pour injecter de façon plus sécuritaire ou alors donner plus de poids aux techniques de transillumination ou de visualisation percutanée des vaisseaux qui sont également des moyens fiables pour minimiser les risques vasculaires de nos injections superficielles ou enfin n’utiliser que des canules de diamètre suffisants et donc quid de l’acide deoxycholique ?