L’intérêt de l’acide hyaluronique ne concerne pas seulement la dermatologie esthétique, mais s’étend aussi à divers domaines de la médecine, aussi variés que la rhumatologie, l’ophtalmologie, l’oncolo

Article analysé par Hélène FLACHER

L’intérêt de l’acide hyaluronique ne concerne pas seulement la dermatologie esthétique, mais s’étend aussi à divers domaines de la médecine, aussi variés que la rhumatologie, l’ophtalmologie, l’oncologie.

Salwoska NM, Bebenek KA, Zadlo DA, Wcislo Dziadecka DL. J Cosmet Dermatol 2016; 15 : 520-526

Les propriétés physico-chimiques et biologiques de l’acide hyaluronique (AH), rappelées dans cet article, notamment sa biocompatibilité et sa bonne tolérance expliquent la variété des indications. Il est rappelé que l’AH est un mucopolysaccharide de la famille des glusosaminoglycanes, le seul qui n’est pas synthétisé dans l’appareil de Golgi, mais à la face interne de la membrane cellulaire par les Hyaluron Synthétases (HAS) 1, 2 et 3, les longues chaînes répétitives disaccharidiques étant ensuite libérées dans le milieu extracellulaire. La longueur des chaînes et certaines de leurs propriétés dépendent de la synthétase en cause. Les plus courtes (petites et moyennes) sont synthétisées par les Hyaluron Synthétases (HAS) 1 et 2 et ont des effets proangéiogènes et anti-apoptotiques ; elles stimulent la formation des HSP (Heat Shock Proteins) et sont de puissants immuno-stimulants. Les plus longues, synthétisées par HAS 3 sont au contraire anti-angéiogènes et ont un effet immuno-dépresseur. La dégradation de l’AH est enzymatique, liée à des hyaluronidases, dont il existe 3 variétés et chimique, sous l’effet des espèces réactives de l’ oxygène (EROS).

A l’état physiologique, l’AH se trouve essentiellement dans la peau, réprésentant la moitié de l’AH de l’organisme, dans le liquide synovial, dans le corps vitré.

Dermatologie Esthétique

L’AH a la propriété de fixer une importante quantité de molécules d’eau et ce pouvoir hygroscopique améliore l’hydratation tissulaire et la résistance aux chocs mécaniques. Par son effet anti-radicalaire, iI favorise la cicatrisation. Ce sont surtout les formes injectables, dans le comblement des rides et la volumétrie qui ont fait la preuve de leur efficacité et sont très largement utilisées. Par contre, les formes topiques en application cutanée sous forme de crème n’ont pas démontré leur efficacité dans le comblement des rides mais ont un intérêt dans l’hydratation de la couche cornée.

En Rhumatologie

C’est bien dans l’arthrose, notamment celle des genoux, que la visco-supplémentation par l’AH est indiquée et non dans les arthrites inflammatoires, bien que dans l’article soit utilisé le terme général « osteoarthritis » qui dans la littérature anglaise englobe non seulement les arthrites inflammatoires et infectieuses mais aussi et surtout l’arthrose (arthrite dégénérative). L’AH, constituant essentiel du liquide synovial joue un rôle important dans la protection et le maintien du bon état du cartilage. Dans l’arthrose, il y a déséquilibre entre la formation de cartilage et sa destruction qui est augmentée. La réduction de la masse moléculaire de l’AH ou de sa concentration, entraîne une diminution des GAG, une augmentation des enzymes destructrices du collagène et des protéoglycans, une hydarthrose. Des phénomènes inflammatoires peuvent s’y ajouter, responsables d’une augmentation des EROS qui entrainent à leur tour une dégradation du collagène, de la laminine et de l’AH.

L’apport par injection intra-articulaire d’AH de poids moléculaire élevé favorise la synthèse du cartilage et s’oppose à sa dégradation, en inhibant l’apoptose des chondrocytes et en stimulant la synthèse des protéoglycans et la synthèse de l’AH endogène. L’AH neutralise les EROS, diminue les phénomènes inflammatoires. Cliniquement ces injections intra-articulaires d’AH diminuent la douleur, avec une bonne tolérance attestée par les études randomisées, améliorent grâce à leur effet lubrifiant la mobilité articulaire et elles permettent aussi de réduire les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Par contre l’efficacité de l’AH par voie orale n’est pas prouvée.

En ophalmologie

L’AH est souvent utilisé pour ses propriétés visco-élastiques en tant que lubrifiant : larmes artificielles en cas de sécheresse oculaire, du port de lentilles de contact. Il corrige et stabilise le film lacrymal, améliore l’hydratation cornéenne en réduisant l’évaporation des larmes et diminue ainsi l’irritation liée à la sécheresse oculaire.

En chirurgie ophtalmologique, par son effet stabilisateur sur le film lacrymal, en s’opposant à la formation de radicaux libres, il favorise la cicatrisation, minimise le risque de synéchies. L’AH est particulièrement intéressant dans toutes les interventions sur le segment antérieur oculaire.

En Oncologie

Plusieurs publications montrent le rôle important de l’AH dans le développement des tumeurs et il pourrait y avoir des perspectives thérapeutiques nouvelles avec l’utilisation des hyaluronidases (Kultii. Cancer 2012, réf 15 de l’article).

Dans certaines tumeurs épithéliales, notamment le cancer du pancréas (adénocarcinome canalaire), on constate une augmentation de l’AH dans le stroma et autour de la tumeur. C’est un facteur de mauvais pronostic et de résistance au traitement, car l’abondance de l’AH entraîne une constriction intersitielle et vasculaire avec hypoxie gênant la pénétration des drogues.

De plus, l’AH de haut poids moléculaire facilite l’angéiogénèse tumorale et la progression du cancer en recrutant des cellules stromales, en favorisant la prolifération des cellules néoplasiques et l’invasion locale, leur migration métastatique.

Enfin, l’AH, surtout de bas poids moléculaire, interagit avec les récepteurs CD44 et RHAMM favorisant pour CD44 la prolifération des cellules néoplasiques et leur caractère invasif et pour RHAMM la migration cellulaire et les métastases. On sait que les tumeurs exprimant fortement CD44 sont plus invasives.

L’administration de hyaluronidases, conjointement à des agents antinéoplasiques permettrait de freiner la croissance tumorale et d’obtenir une meilleure réponse au traitement spécifique.

En conclusion,

Cet article a l’intérêt de mieux faire connaître aux dermatologues les effets biologiques multiples de l’AH et son rôle thérapeutique dans des domaines de la médecine qui leur sont moins familiers. Mais si le rôle de l’AH est bénéfique en rhumatologie et en ophtalmologie, il ne l’est guère en oncologie où son impact est défavorable puisqu’il favorise la progression locale et métastatique de certains cancers, à laquelle pourraient s’opposer les hyaluronidases proposées alors en association avec les thérapeutiques antinéoplasiques.

Il est cependant très dommage que cet article de l’équipe polonaise qui est censé se baser sur une étude bibliographique exhaustive ne comporte sur ce sujet d’actualité qu’une bibliographie ancienne et même très ancienne puisque sur 42 références on ne compte que 5 références postérieures à 2010 et encore pas très récentes : réf 15 Kultti (2012), réf 16 Jacobetz (2013), réf 17 Jiang (2012), réf 32 : Szabo (2011), réf 42 Washburn (2013).