Consensus sur les stratégies actuelles de traitement par injections des visages asiatiques

Article analysé par Philippe Deshayes

Consensus sur les stratégies actuelles de traitement par injections des visages asiatiques

Consensus on Current Injectable Treatment Strategies in the Asian Face

Woffles T. L. Wu, Steven Liew, Henry H. Chan, Wilson W. S. Ho, Nantapat Spapannachart, Hong-Ki Lee et al. Asian Facial Aesthetics Expert Consensus Group

Aesth Plast Surg (2016) 40:202-214

Résumé

Contexte : la demande de soins esthétiques injectables augmente en Asie. Les particularités du visage asiatique et les différences par rapport à la population occidentale dans le vieillissement justifient des stratégies spécifiques.

Méthode : le “Asian Facial Aesthetics Expert Consensus Group” s’est constitué pour confronter leurs expériences d’utilisation de la toxine botulique et de l’acide hyaluronique (AH), seuls ou combinés, sur le visage des populations asiatiques.

Résultats : Les indications et les objectifs de ces soins varient selon l’âge et le pays concerné. Les pratiques habituelles et les objectifs recherchés chez les femmes de 18 à 55 ans sont présentés sous forme de tableaux concernant les 1/3 supérieur, moyen et inférieur du visage.

Conclusions : chez les jeunes patients, il faut tenir compte des particularités du visage asiatique pour les corriger et aboutir au résultat recherché. Chez les patients plus âgés, l’objectif est de limiter les effets du vieillissement.

Introduction

Les modifications en 3D d’un visage qui n’étaient envisageables que par la chirurgie sont maintenant accessibles dans beaucoup de cas à l’aide de la toxine botulique et de l’AH grâce à la volumétrie

En Asie, la toxine est utilisée pour modifier la forme du visage et corriger des particularités anatomiques disgracieuses chez des jeunes patients (volume du masséter, activité du mentalis)

Les injections intradermiques de faibles doses de toxine botulique sur le visage et le cou, dans le rajeunissement, sont prisées dans certains pays.

L’AH est plus largement utilisé en Asie qu’en Occident dans la correction volumétrique de particularités structurelles considérées comme inesthétiques : absence de projection de la partie médiane du visage (zone centrale du front, glabelle, nez, menton), “aplatissement” des zones sous orbitaires et medio-malaires, cernes.

L’objectif est, en projetant vers l’avant cette zone médiane, d’obtenir un effet visuel de face plus étroite.

Chez les patientes plus âgées, l’AH est utilisé pour restaurer les pertes de volumes liées à l’âge mais aussi pour corriger les particularités structurelles qui s’accentuent avec les années. Les traitements par toxine botulique et AH sont souvent combinés.

Les caractéristiques morphologique du visage asiatique sont différentes du visage “occidental” justifiant des stratégies différentes pour répondre aux demandes esthétiques en Asie. Pour compenser le manque d’information des praticiens qui souhaitent pratiquer des soins à visée esthétique chez des patients asiatiques, s’est constitué un groupe (the Asian Facial Aesthetics Expert Consensus Group) composé de 8 chirurgiens plasticiens, 11 dermatologistes, 1 médecin esthétique et 1 anatomiste (liste Tableau 1), représentant au total 11 pays d’Asie.

Méthode de mise en place du Consensus

Pour évaluer les traitements les plus utilisés, il a été demandé aux experts le pourcentage de patients qu’ils traitent pour chaque indication (par rapport au nombre de patients consultant pour un soin esthétique non invasif) et le traitement utilisé.

Objectifs des traitements dans la population asiatique :

En moyenne, le visage asiatique a une forme carrée avec un manque de hauteur et de projection antérieure, un nez plat et large, des méplats sous orbitaire, des maxillaires et un menton rétrusifs, des sillons naso-géniens profonds et un angle cervico-mandibulaire ouvert.

Pour obtenir un ovale idéal du visage il faut le diminuer en largeur et allonger sa partie inférieure : cela implique de diminuer la masse musculaire du masséter avec la toxine et de projeter le menton vers l’avant, en l’allongeant grâce à l’AH.

La projection vers l’avant de la partie médiane du visage avec l’AH (front, sourcils, nez, partie médiane des joues) est souvent recherchée, même si cette modification tridimensionnelle dans le résultat esthétique final n’est pas identifiée par le patient.

Pour les soins anti-âge, il est préférable de prendre en charge le visage de façon globale par des actions séquentielles pour conserver équilibre et harmonie.

Les patientes asiatiques aspirent à être plus jolies et séduisantes tout en conservant leurs caractéristiques ethniques mais ne souhaitent pas ressembler aux occidentales contrairement à ce que croient beaucoup de médecins occidentaux.

Les traitements esthétiques non chirurgicaux pratiqués chez les patients asiatiques sont présentés en tableaux où sont consignés toutes les informations sur les traitements (dans un souci d’uniformité, les unités de toxine botulique sont exprimées en onabotulinum toxin A (Botox)).

Tableau 2 : Traitements le plus souvent utilisés en fonction de l’âge :

Les patientes de moins de 40 ans s’orientent d’abord vers les soins pouvant agir sur l’aspect du teint et la texture de la peau (laser, IPL). Dans ce groupe, la toxine est utilisée pour réduire le volume du masséter (réduction de la largeur faciale) alors que l’AH corrige les insuffisances de volume pour projeter la face vers l’avant et allonger sa hauteur.

Après 40 ans, c’est la correction des effets de l’âge qui passe en premier avec traitements combinés toxine + AH.

Traitements effectués selon la topographie :

Tableau 3 : 1/3 supérieur de la face : Toxine botulique :

Corrections les plus demandées : patte d’oie (6-12 U par coté) et glabelle (15-20 U).

Lignes horizontales du front : moins de doses que dans la population caucasienne car moins de rides frontales avec l’âge et demande de résultat naturel. Par ailleurs risque d’accentuation de l’aspect gonflé de la paupière asiatique. Pas de traitement isolé du frontalis sans traitement de la glabelle.

Tableau 4 : 1/3 supérieur de la face : AH :

Les gestes sur le remodelage et le volume du front sont d’indication fréquente en Asie : front arrondi, convexe, tempes sans creux, glabelle comblée, ensellure nasale marquée. L’injection des rebords sus orbitaire projette les arcades vers l’avant et réduit l’aspect de paupières gonflées. Pour ces actions de volumisation du front et de la glabelle, on utilise un traitement combiné de toxine pour relâcher les muscles et favoriser l’intégration du filler.

Tableau 5 et 6: 1/3 moyen de la face :

Les zones les plus traitées par la toxine sont les plis sous les yeux et les « bunny lines » de chaque coté du nez. Certains praticiens l’utilisent pour modifier la forme du nez en la combinant à l’AH de même que pour corriger un sourire gingival. Les fillers sont surtout utilisés dans cette zone pour corriger les manques de volume en sous orbitaire et au milieu des joues (et non sur les pommettes pour ne pas élargir la face). L’objectif est de projeter vers l’avant la zone médiane du visage afin de donner un aspect visuel de visage moins large.

Tableau 7 et 8 : 1/3 inférieur de la face : toxine

Le traitement des plis du pourtour de bouche est moins fréquent dans la population asiatique. L’utilisation de la toxine pour réduire le masséter est le geste le plus fréquent dans la population des 18-30 ans car il diminue la largeur du visage. Ce n’est pas le cas chez les patientes plus âgées car il accentue la ptose du visage. C’est sur le menton (plus que sur les lèvres) que les fillers sont le plus utilisés en association avec la toxine (pour réduire l’action du mentalis).

L’utilisation de toxine en injection intradermique ou à la jonction avec les muscles superficiels (Microbotox) se développe en Asie : réduction de la sudation et de la sécrétion sébacée et diminution des ridules superficielles tout en conservant un aspect plus naturel.

Conclusions

Les gestes esthétiques non chirurgicaux se développent en Asie. L’étude des pratiques du Groupe des Experts montre qu’ils sont spécifiques à la morphologie du visage asiatique ainsi qu’aux changements liés au vieillissement. La toxine et les fillers sont souvent utilisés en association. Les différences entre les gestes pratiqués sont autant dépendants des souhaits des patients relatifs à leur ethnie ou à leur pays qu’au concept de « beauté » qui varie entre les experts.

Commentaires

Article très intéressant et à lire par tout médecin injecteur ayant des asiatiques dans sa patientèle !

Deux remarques :

  • intérêt du « micro ou mésobotox » dans ce type de peau mais quelle en est la durée ?
  • attention à ne jamais injecter la toxine et l’AH en même temps sur une même zone, commencer de préférence par la toxine