Jara Schulze, Insa Neumann, Michelle Magid, Eric Finzi , Christopher Sinke , M. Axel Wollmer,
Tillmann H.C., Krüger.
Psychiatric Researc
Article résumé Par Randa Khallouf
L’utilisation de la toxine botulinique (TB) dans le domaine esthétique s’est accompagnée d’une amélioration de l’humeur chez de nombreux patients, ce qui a ouvert la voie à des recherches et études sur son action dans la dépression. En effet, les muscles corrugateurs et procerus sont responsables des rides glabellaires et jouent un rôle important dans l'expression des émotions négatives.
Cette publication est une revue de plusieurs cas publiés, d’études ouvertes, de 4 essais randomisés contrôlés (ERC) et des métanalyses sur le rôle de la TB dans la dépression. Les résultats étaient analysés selon les 3 scores de la dépression : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le Beck Depression Inventory et le Score de Hamilton.
Toutes les publications ont montré une amélioration du score de la dépression observée à la semaine 3 et persistaient à la semaine 8 ou 16. Aucune n’abordait la problématique au-delà de la semaine 12.
Les auteurs ont été très critiques vis à vis de ces publications : manque de méthodologie, l’aveugle pas bien contrôlé, les tailles d’effet faibles et les conflits d’intérêt.
Cependant, cette action sur l’humeur est bien évidente, avec un mécanisme d’action encore inconnu. Il est possible que le TB influence le SNC. 2 explications différentes ont été données :
-La voie directe par une transmission rétrograde post synaptique : chez l’animal, la TB a été retrouvée dans le SNC loin de site d’injection de la toxine. Le transport axonal est également envisagé chez l’homme. De même, l’acétylcholine dans le SNC est décrite comme étant augmentée chez les patients souffrant de dépression et par conséquent, l'effet de la TB sur l’acétylcholine au sein des structures centrales pourrait conduire à une normalisation de ses niveaux chez les personnes déprimées.
– La voie indirecte qui serait la plus probable, initiée par la paralysie. La dénervation des muscles module et réorganise des zones dans le SNC.
Une approche pour expliquer les mécanismes sous-jacents de l'effet du BTX sur les symptômes dépressifs est l'impact des changements esthétiques sur la conscience de soi. Dans une étude, les personnes qui ont reçu de la TB ont signalé des niveaux de satisfaction plus élevés, une perception de soi plus positive et plus de confiance en soi et amélioration de leur qualité de vie. Cependant, il est peu probable que le changement esthétique soit le principal mécanisme de l'élévation de l'humeur chez les personnes souffrant de dépression.
L'effet de la TB sur la dépression pourrait également être médié par la rétroaction sociale. Le mécanisme serait le suivant : la TB dans la région glabellaire bloque l'expression des émotions négatives, ce qui affecte la façon dont les autres réagissent envers soi-même et influence ainsi la conscience de soi. Il est également rapporté que le comportement prosocial diminue envers les personnes ayant des expressions négatives.
Enfin, l'explication principalement discutée derrière l'effet de la TB sur la dépression est l'hypothèse de rétroaction faciale , le Facial Feedback Hypothesis (FFH) . Le FFH indique que l'expérience émotionnelle et l'expression émotionnelle s'influencent mutuellement via des boucles de rétroaction. On suppose que la paralysie de ces muscles interrompt une boucle de rétroaction proprioceptive du visage au cerveau et diminue ainsi le renforcement et le maintien des émotions négatives dans la dépression. La base de la FFH réside dans la théorie des émotions de William James : « Refusez d'exprimer une passion, et elle meurt ». La FFH suppose que la contraction des muscles faciaux peut moduler l'expérience émotionnelle. Sourire et froncer les sourcils produisent donc une rétroaction proprioceptive du visage au cerveau qui peut influencer l'expérience du bonheur ou de la colère, et donc avoir un impact sur les symptômes dépressifs.
Aussi, l'effet antidépresseur de la TB a été démontré non seulement chez les humains, mais aussi dans un modèle de dépression par les rongeurs. Une seule injection faciale de la TB a provoqué une amélioration persistante du comportement de type dépression chez les souris. Les souris ont la capacité d'exprimer leurs émotions de manière faciale ; par conséquent, le FFH peut également être envisagé pour l'interprétation de l'effet antidépresseur du BTX chez la souris.
Conclusion :
Les preuves accumulées indiquent que le traitement par la TB pourrait représenter une approche innovante et efficace pour réduire les symptômes dépressifs, notamment dans les cas résistants. La majorité des études rapportent une amélioration significative, avec un profil d’effets secondaires acceptable. Toutefois, des mécanismes précis restent à élucider, et des études de qualité plus élevée sont nécessaires pour intégrer cette approche dans les recommandations cliniques standard en psychiatrie.