TOXINE BOTULIQUE EN ESTHETIQUE, EFFETS SECONDAIRES INDESIRABLES INEDITS OU PEU CONNUS

TOXINE BOTULIQUE EN ESTHETIQUE

EFFETS SECONDAIRES INDESIRABLES INEDITS OU PEU CONNUS

La toxine botulique (TB) est un traitement très sûr. Les incidents sont peu fréquents et la plupart ont déjà été répertoriés et sont bien connus des dermatologues. Il faut donc bien chercher dans la littérature pour en trouver de nouveaux. Mais voici tout de même quelques effets secondaires inédits ou peu connus.

1- Ptosis de la paupière supérieure persistant audelà de 6 semaines

Le ptosis de la paupière supérieure compliquant la correction des rides glabellaires par diffusion de la TB jusqu’au muscle releveur de cette paupière est la moins rare des complictions. Habituellement, le ptosis disparaît spontanément en moins de 6 semaines. Le collyre à l’apraclonidine, agoniste α adrénergique (Iopidine®) le corrige pour quelques heures, facilitant la vie sociale et permettant de faire patienter jusqu’à sa disparition.

Mais parfois, le délai est bien plus long puisque ce ptosis n’a disparu qu’en 3 à 6 mois et a même persisté 13 mois dans un cas chez 7 patients référés pour cette prolongation inhabituelle au service de Chirurgie Plastique Ophtalmologique en 8 ans (1). Cet incident concernerait davantage des patients qui ont l’œil creux, avec peu de graisse sus orbitaire. Chez 6 sur 7 de ces patients le collyre à la Iopidine était initialement inefficace, mais un retour d’efficacité a annoncé la résolution spontanée du ptosis en 4 à 6 semaines.

Conséquence pratique

Les auteurs proposent donc un test prédictif par la Iopidine qui pourrait être effectué chez tous les patients ayant un ptosis induit par la TB :

  • Si la Iopidine est efficace, le ptosis disparaitra dans les délais habituels et on peut rassurer le patient
  • Si la Iopidine est inefficace, il faudra annoncer au patient une résolution plus lente du ptosis, au-delà de 6 semaines.

2- Perturbations durables du film lacrymal due à la correction des rides de la patte d’oie par TB après 50 ans

Une sécheresse oculaire après injection de TB dans cette localisation a été souvent signalée mais n’avait pas été étudiée de façon précise sur le plan qualitatif et quantitatif.. Les auteurs, ophtalmologistes à Taïwan, l’ont analysée chez 58 femmes âgées de 30 à 60 ans traitées avec 2 dosages différents de TB (2)

* Ils ont démontré que la production de larmes, évaluée par le test de Schirmer diminuait quelle que soit la tranche d’âge, les valeurs les plus basses étant observées 1 mois après l’injection de TB, mais qu’elle remontait ensuite, rejoignant les valeurs initiales à 6 mois.

* Par contre, la stabilité du film lacrymal, évaluée par un autre test, diminue chez tous les sujets, mais évolue ensuite en fonction de l’âge : chez les 30 à 40 ans normalisation à 6 mois ; pour les 40 à 50 ans diminution jusqu’à 3 mois, puis remontée progressive sans atteindre encore la valeur initiale à 6 mois; pour les 50 à 60 ans la diminution continue encore à 6 mois. De plus, chez les sujets les plus âgés peut persister une laxité de la paupière inférieure après TB qui gêne la répartition du film lacrymal par clignement, ce qui est une des causes possibles de la non récupération de sa stabilité.

* Ces effets sont plus marqués avec la dose la plus forte de TB

Conséquence pratique

Chez les sujets de plus de 50 ans, pour ne pas perturber durablement et peut-être définitivement la stabilité du film lacrymal il faut traiter les rides canthales par la TB avec prudence et utiliser des doses plus faibles, cet effet indésirable sur la stabilité du film lacrymal étant dose dépendant.

3- Pseudoanévrysme de l’artère temporale superficielle complication d’une injection de TB

C’est un accident exceptionnel puisque un autre cas seulement a été rapporté dans la littérature dans les mêmes circonstances. Le pseudoanévrysme, diagnostiqué 2 mois après l’injection de TB se présentait comme une tuméfaction accompagnée d’un souffle pulsatile au niveau de la branche frontale de l’artère temporale gauche. Ce pseudoanévrysme a été traité par embolisation. (3).

Ces pseudoanévrysmes sont liés à une effraction traumatique de la paroi artérielle et une ponction artérielle accidentelle peut être en cause.

Conséquence pratique

Bien connaître la topographie des artères faciales superficielles, et en zone frontale latérale, palper pour rechercher des pulsations artérielles avant de piquer. Comprimer tout de suite et assez longtemps en cas d’hématome sur un trajet artériolaire.

Le très fin calibre des aiguilles utilisées pour l’injection de TB explique sans doute qu’une déchirure artérielle capable d’évoluer vers un pseudoanévrysme soit exceptionnelle.

Références

1- Steinsapir KD et al . Dermatol Surg 2015 ; 41 : 833-40

2- Ho MC et al. JAMA Ophtalmo 2014 ; 132 : 332-7

3- Skaf GS et al. Aesthetic Plast Surg 2012 ; 36 : 982-5

Prof. Claire BEYLOT