Analyse réalisée par Anne Le Pillouer-Prot.
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ARTICLE 1 : Vergetures post-gravidiques : étude pilote randomisée sur l’efficacité et la sécurité d’un traitement par radio-fréquence fractionnée (FRF) bipôlaire et application de trétinoine en crème
Tian Tian et al., Dermatol Surg Oct. 2019 : 1245 – 1252
Etude pilote 18 femmes chinoises, vergetures abdominales post-gravidiques modérées à sévères (2 rouges et 16 blanches)
Vergetures divisées en 4 parties : contrôle, trétinoine seule (0.1% crème, pendant 1 semaine après les séances), FRF (e-matrix-64 MN recouvertes or dans 12×12 mm²- 70-80 mJ, 10%, sous anesthésie topique et suivie d’une application de corticoïde et crème contenant de l’EGF), FRF (idem) + trétinoïne (pendant 1 semaine en post-acte) ; 3 séances espacées de 3 mois et suivi à 3 mois
Evaluation sur photos standardisées par 2 dermatologues en aveugle, échographie haute résolution pour l’épaisseur cutanée et biopsies au punch de 2 mm
Résultats : significativement supérieurs pour tout (amélioration clinique, satisfaction patient, épaisseur cutanée, modifications des fibres collagène et élastiques) dans le groupe FRF + trétinoïne > FRF seule > trétinoine seule > contrôle
contrôle |
Trétinoïne seule |
FRF |
FRF + trétinoine |
|
Amélioration clinique |
1 |
1.5 |
3 |
3 |
Satisfaction patient |
1 |
1 |
2 |
3 |
Epaisseur cutanée (µm) |
27.50 |
179.50 |
218.50 |
230.50 |
Pas d’effet secondaire
Discussion : On sait que la trétinoine seule peut être relativement efficace sur des vergetures récentes mais très peu sur des vergetures anciennes (Kang et al., Arch Dermatol 1996). Issa et al, ont déjà publiés des résultats positifs (efficacité et sécurité) sur l’association FRF + trétinoïne crème 0.05% (Las Surg Med 2013) et cette série retrouve les mêmes résultats
Commentaires : Les vergetures font partie des meilleures indications des techniques dites « procicatrisantes » permettant de stimuler la néocollagénogenèse. La trétinoine a montré son intérêt sur les cicatrices récentes et les vergetures récentes. La combinaison dans les 2 séries publiées semble très favorable. Mais on est étonné de l’absence d’irritation, de pigmentation et sur l’utilisation de crème après altération du stratum corneum avec possibilité d’exagération des effets secondaires, pénétration d’allergènes (excipients ….) . Les 2 principes peuvent être associés mais ? dès que les micro-colonnes seraient refermées ? et en continu pour la trétinoine entre les séances ? pas seulement une semaine après ! L’utilisation de corticoide et d’une crème contenant de l’EGF (epidermal growth factor) en post-séance sont des facteurs confondants supplémentaires… ! Les photographies cliniques et histologiques sont très parlantes !
ARTICLE 2 : Efficacité et sécurité de 3 nouveaux acides hyaluroniques injectables, réticulés avec peu de BDDE : résultats d’une étude de 18 mois, contrôlée et randomisée versus comparateurs
Rzany B et al., Deramtol Surg 2019 Oct : 1304-1314
3 nouveaux AH, réticulés à longue chaîne avec une quantité moindre de BDDE
Etude prospective, monocentrique, hémiface, double aveugle, randomisée et contrôlée sur 90 sujets au niveau des sillons naso-géniens : Resilient HA (RHA) 2,3 et 4 réticulé à base de sodium HA (NaHA non animal) avec lidocaïne comparés à Juvederm Volift ou Teosyal pureSense Ultra Deep avec lidocaïne aussi
90 patients, injection de chaque SNG avec le RHA et le comparateur dans le SNG controlatéral, (3 groupes de 30 patients), retouche possible à 14 jours, suivi jusqu’à 18 mois
Groupe 1 : RHA2 vs VYC-17.5
Groupe 2 : RHA3 vs ULT4
Groupe 3 : RHA4 vs UD
Objectif principal : évaluation clinique à M6 (WSRS scores)
Objectifs secondaires : évaluation clinique jusqu’à M18, profilomètrie par interférences de frange (3D Dermatop), améliorationesthétique globale patient et médecins, questionnaire subjectif d’amélioration et utilisation du score FACE-Q pour les SNG, photographies
Sécurité : douleur (EVA) et effets secondaires
Résultats :
– Age moyen de 58 ans, 84% de femmes, 94.4% PT I-III
– Même quantité de produits dans chaque groupes et bras, nécessité de retuche : pas de différence significative
– Objectif principal et scores WSRS :
- Groupe 1 :
- M6 : pas de différence significative (réduction du score WSRS de 3.0 à 1.6),
- M12 à M 18 : légère tendance en faveur du RHA 2 (M12 : 50% des SNG traités par VYC-17.5 sont revenus au départ vs 30% pour RHA2)
- Groupe 2 : pas de différence significative ni à M6 (WRSR de 4 à 1.9) ni ensuite
- Groupe 3 : différence significative (p<0.001) à 6 mois en faveur de RHA4 (4 à 1.8) vs UD (4.0 à 1.9) qui s’est poursuivie significative jusqu’à 15 mois
– Profilomètrie 3D (volumes des SNG) : résultats corrélés à la clinique avec des améliorations similaires au départ puis des diffréences en faveur des RHA qui ont montré une plus longue durée d’amélioration
– Amélioration esthétique globale : 90% à M6 puis 56.7% à M12 avec une amélioration plus forte pour les RHA sur le long terme
– Satisfaction des injecteurs : en faveur des RHA (positionnement du produit, résultats immédiats et après massage)
– Satisfaction des patients sur le long terme : réponses similaires jusqu’à M 12 puis en faveur des RHA sur le long terme
– Effets indésirables : hématomes, rougeurs, tensions, gonflements durant moins de 7 jours, aucun EI prolongé ou sévère. Douleur EVA à 0 5 minutes après injection
Discussion :
Bien que la réticulation par BDDE soit reconnue comme bien tolérée et sécuritaire, des auteurs ont suggéré qu’un fort taux de BDDE et la présence d’AH à courtes chaines puissent influer sur le développement de réactions retardées. Les résultats de cette étude sur 18 mois montrent que des RHA avec de faibles taux de BDDE offrent sécurité et efficacité immédiate et prolongée versus des comparateurs reconnus. Ils confirment des résultats d’études in vitro et une étude clinique à 6 mois (Micheels P et al., JDD 2017). La tendance à une efficacité prolongée avec une différence plus prononcée jusqu’à 18 mois est intéressante
Les effets à long terme peuvent être expliqués par la présence de longues chaines d’AH plus résistante à la dégradation enzymatique et par les ROS et leur capacité d’étirement qui les rend plus conformables et adaptables aux contraintes locales des mouvements faciaux.
Commentaires : Une étude extrêmement sérieuse et bien conduite pour ces nouveaux produits qui arrivent sur le marché en France avec un recul de 18 mois quant à l’inocuité.
ARTICLE 3 : Papules érythémateuses de la face après microneedling
Cervantes J et al., Dermatol Surg 2019, Oct :1337-1339
Femme de 50 ans, antécédent de tuberculose pulmonaire traitée 20 ans avant, présente de multiples papules du visage 4 mois après un traitement anti-âge
Histoire : application de produits Dermclar (vit C, acide linoléique et proteoglycans) suivis de l’utilisation d’un microneedling motorisé pour les faire pénétrer. 1 semaine après elle présente un rash puis des papules des zones traitées améliorées par des injections intralésionnelles de kénacort et de la prednisone orale mais récurrentes dès l’arrêt du traitement
Bilan biologique complet négatif, biopsie punch 3 mm : inflammation granulomateuse à cellules géantes, colorations microbiennes : négatives
Diagnostic : réaction d’hypersensibilité granulomateuse
Traitement : Kénacort 40 mg 2 doses espacées de 2 mois, minocycline 100 mg 2 fois/jour cetirizine 10mg 2 fois :jour, diphenhydramine 25 mg le soir, pimecrolimus topique 1% et tacrolimus 0.1% topiques, vit D 5000UI/j
Aucun effet : corticoide et cycline stopppés au bout de 2 mois
Laser à colorant pulsé et 5-FU : un peu d’amélioration
Tazarotène topique : pas d’effet
Isoniazide po 300 mg/j en raison de l’antécédent de tuberculose malgré le bilan négatif : amélioration notable en 1 semaine, résolution complète en 2 mois de traitement
Discussion :
– Publication antérieure (Soltani et al., JAMA 2014) de 3 cas similaires, exrtêmement résistants après application de vitasérum et microneedling
– Il est difficile de savoir si c’est la vitamine C elle-même ou les excipients
– Ce cas est compliqué avec l’antécédent de tuberculose pulmonaire et l’amélioration rapide sous INH malgré les tests négatifs (Quantiferon- biopsie…) qu’il est difficile d’interpréter
- Rôle de l’antibiothérapie ?
Commentaires : D’autres publications ont également rapporté des réactions d’hypersensibilité mais à des soins postactes… Lorsque l’on altère le stratum cornéum il faut être particulièrement prudent, que ce soit avec du microneedling ou des lasers ou radio-fréquences fractionnés ce sera la même chose. On recommande uniquement l’utilisation de produits stériles, déjà indiqués pour une utilisation intra-dermique intra-lésionnelle et à priori en dermatologie on peut penser que tous les produits destinés à être appliqués sur peau lésée (cicatrisants, corticoïdes…) pourraient être utilisés aussi, mais certainement pas les cosmétiques destinés à être utilisés uniquement sur la peau saine
ARTICLE 4 : Rhinoplastie de la columelle : importance de la quantité d’AH et de l’élasticité de la columelle
Ting-Hua Yang, Dermatol Surg 2019, Oct : 1339-1342
Cette injection permet de projeter la pointe, d’allonger la columelle, d’élargir l’angle naso-labial et de diminuer visuellement la largeur des ailes narinaires, d’où la fréquence des demandes chez les asiatiques.
Etude sur 2 ans, 2 centres, Perlane lidocaïne (produit plus rigide), mesure de la hauteur de la columelle et de son élasticité (différence hauteur columelle au repos et au maximum de l’élévation), injections canule de 23G (multiples linéaires rétrogrades), quantité fonction de la satisfaction du patient vérification de la vascularisation et mesure post-traitement de la hauteur de la columelle
37 patientes, 19-56 ans (moy. 39 ans)
Quantité d’AH (X1): 0.2 à 0.55 ml (0.4 +/- 1.84)
Différence de hauteur : 1 à 5 mm (moy. 2.9 +/- 1.24)
Elasticité de la columelle (X2): 2 à 9 mm
Modèle de régressions linéaires multiples aboutissant à l’élaboration d’une équation
Où Y : augmentation de la hauteur de la columelle
Y= 1.538 + 7.138 X1 + 0.334 X2
Et non pas une simple augmentation linéaire fonction seulement de la quantité de produit mais où l’élasticité compte aussi, ce qui correspond à l’expérience clinique des auteurs, la seule quantité ne permet pas de présager de l’augmentation de hauteur
Absence d’effets indésirables notamment pas d’accidents vasculaires, à priori grâce
– Utilisation d’une canule 23 G (0.343 mm de diamètre) par rapport au diamètre connu de l’artère de la columelle (0.21 +/- 0.09 mm)
– Dose comprise entre 0.2 et 0.55 ml
Commentaires : cette injection concerne plus les asiatiques, l’équation n’est sans doute pas applicable aux autres ethnies mais retenons surtout les conseils de sécurité : canule 23G, test de la revascularisation capilllaire immédiat et dose modérée.
ARTICLE 5 : Alopécie androgénogénétique (AAG) traité par concentré riche en plaquettes (PRP)
Gupta et al., Dermatologic Surgery 2019 Oct : 1262-1273
Méta-analyse de 16 études chez l’homme, 10 versus état de base (165 patients) et 6 versus placebo (99 patients), conduite grâce au logiciel RevMan 5.3 (Copenhague)
Résultat : l’écart moyen standardisé est de 0.58 pour la densité pilaire en faveur du traitement par PRP
Ce qui est cohérent avec une méta-analyse précédemment publiée avec un écart type de 0.51, p<0.004) qui avait inclus 6 études (Gupta et al., 2017)
Les différences de résultats selon les études sont explicables par différentes raisons : préparation (tours/minute), systèmes de séparation, concentration en PQ, méthode d’injection, taille de l’aiguille, méthode d’activation, nombre et rythme des séances, suivi…
L’utilisation d’un activateur semble le plus corrélé à plus d’efficacité (calcium-chloride)
Les auteurs émettent donc des recommandations cliniques:
– 3 séances espacées de 1 mois puis entretien tous les 3 à 6 mois
– Profondeur d’injection : sous-cutanée (subdermal)
– Système de collection :
- Quantité de PQ ≥ 1.5 millions/µl – (environ 5 fois le taux sanguin) – (des études sont en cours avec des taux de 3 fois le nombre de base)
– Activation
– Centrifugation et ultrasons
– Aiguille : impact non évident (de 25 à 32 G dans les séries)
Commentaires : La législation en France laisse peu de place en dermatologie à l’usage de ces techniques pourtant reconnues efficaces et utilisées dans de nombreux pays d’Europe et du monde puisqu’elle l’interdit à des fins esthétiques dont fait partie l’alopécie (ANSEM, rappel janvier 2018)… le comptage plaquettaire qui permet de savoir si les systèmes ou kit utilisés sont performants est sans doute très intéressant pour prouver la valeur du concentré utilisé.
Tenons-nous au courant car il y aura peut-être des évolutions dans la législation?