Une technique de ‘’tour’’ ou ‘’colonne’’ verticale modifiée pour le traitement des cicatrices d’acné
The modified tower vertical technique for the treatment of post-acne scarring
Goodman GJ, Van Den Brock A
Austr J Dermatol 2016, 57 :19-25
Introduction :
Pour améliorer les cicatrices qui restent un challenge thérapeutique on peut :
– Les opérer : exérèse simple, techniques variées de punch (excision, relèvement, greffe)
– Les remodeler c’est-à-dire induire la formation de collagène par des processus cicatriciels variés allant de techniques à domicile, subcision, needling jusqu’aux lasers ablatifs ou non ablatifs en mode conventionnel ou fractionné. Les résultats sont retardés et plusieurs séances nécessaires
– Les injecter : cette technique est moins explorée mais utilisée depuis plus de 30 ans (années 80s- collagène). L’apparition d’acide hyaluronique à effets plus durables a encouragé les auteurs à proposer une technique utilisant les propriétés de lifting vertical de ces produits pour améliorer les cicatrices atrophiques d’acné en 1 à 2 sessions avec l’avantage d’un résultat immédiat que les autres techniques ne peuvent pas offrir
Méthode : 5 patients âgés de 19 à 40 ans ; cicatrices atrophiques de tous types considérées comme une indication pour un traitement par comblement ; PT I-IV (mais pas d’exclusion de PT plus élevés) ; critères d’exclusion : comblement <2 ans, relissage, isotrétinoïne dans les 6 mois précédents, acné active
Description d’un cas index typique : femme de 39 ans, cicatrices atrophiques du visage visibles à distance sociale et non dissimulables par le maquillage (rolling type multiples, boxcar larges et moins larges, ice-pick …), déjà traitées par relissage conventionnel CO2 et erbium après relèvements au punch et 2 séances de relissage fractionné CO2. Evaluation : Grade 3 (échelle de Goodman : visibles à distance sociale mais effaçables au test de traction). Marquage de 58 cicatrices à injecter. Anesthésie topique, désinfection, Juvederm Voluma – aiguille de 31 G et seringue à insuline. Aiguille à 90° dans chaque cicatrice dans le derme profond, 0.02-0.04 ml de produit avec une délivrance rétrograde progressive pour créer une pyramide inversée (pointe au fond) en augmentant graduellement la quantité de produit en se rapprochant de la surface. Les plus larges des cicatrices sont injectées tous les 3 à 4 mm. Massage. Première session : 1.05 ml (0.55 à droite et 0.5 à gauche). 2ème session à 15 jours : 0.8 ml (0.45 à droite et 0.35 à gauche). Evaluation à 1 mois : toujours grade 3 mais pour seulement 10 cicatrices, satisfaction patiente : 8/10. Evaluation à 3 mois satisfaction patiente : 6/10 (bon à excellent)
Résultats : Les autres patients ont eu des résultats similaires, avec en moyenne au départ 48.8 cicatrices, diminuée à 41.8 à 15 jours puis à 15.4 1 mois après 2 séances d’injection. Volume moyen première séance : 1.144 ml et deuxième séance : 0.525 ml. Moins de 30% des cicatrices étaient encore visibles 1 mois après les 2 séances. La satisfaction moyenne des patients étaient de 5.4 à 1 mois et 5.5 à 3 mois.
1ère séance |
2ème séance |
1 mois après 2 séances |
|
Score d’acné (patient) |
3.2 |
3 |
2.6 |
Score d’acné (médecin non injecteur) |
3 |
2.6 |
2.4 |
Discussion
Les injections permettent un résultat immédiat et sont reconnues efficaces pour l’amélioration des cicatrices d’acné de type ‘’rolling-scar’’ et ‘’boxcar scar’’ seules ou combinées à d’autres traitements. Pour les cicatrices en pic à glace leur efficacité est au mieux considérée comme variable (1 seule étude positive avec Evolence-collagène). Le choix du produit idéal est difficile, les produits permanents (silicone, acrylates) peuvent être sources de complications et de déception avec les années et les modifications liées au vieillissement malgré un effet positif au départ. Les nouveaux produits de comblement à l’acide hyaluronique sont peu immunogènes, bien tolérés et peuvent avoir un effet prolongé jusqu’à 24 mois pour certains.
D’autres techniques d’injection horizontales ont été décrites, linéaires, multipunctures, combinées à des subcisions ou du sérum physiologique. La technique décrite est dérivée des techniques verticales en ‘’tour’’ décrites pour combler les pertes de volume mais s’en différencie par la profondeur, le flux et la quantité de produit. Lorsque les cicatrices sont situées dans des régions à haut risque il faut privilégier une technique horizontale très superficielle (l’auteur note qu’alors la durabilité de la correction sera moindre)
Etapes importantes : éclairage tangentiel multidirectionnel, marquage, évaluation de la quantité de produit, évaluation des structures sous-jacentes à risque, injection de chaque cicatrice très superficiellement dans les zones à risque vasculaire élevé (front, glabelle, tempes et nez) et plus en profondeur en utilisant une vraie technique de la ‘’tour’’ dans toutes les autres zones, remplir complètement la cicatrice voir réaliser une petite surcorrection (cloque intradermique) à aplatir avec le massage à la fin de l’injection, faire une deuxième séance après 2 à 4 semaines qui nécessitera environ 50 % moins de produit
L’approche de la cicatrice se fait au centre, verticalement et la profondeur dépend de la profondeur de chaque cicatrice. Cette technique est idéale pour les cicatrices de type ‘’rolling’’ ou boxcar’’ mais peut être utile parfois pour des cicatrices à bords abrupts voir en pics à glace en injectant soigneusement très en surface. Elle est idéale quand les cicatrices sont isolées, bien délimitées, moins lorsque les cicatrices sont jointives. Elle est rapide (moins de 15 minutes). Il semble que les 2 sessions soient nécessaires, avec – 14% de cicatrices visibles après 1 séance et – 68% après 2 séances
Commentaires : les laséristes l’apprennent tous tôt ou tard… il faut combiner les traitements notamment par des injections de comblement pour améliorer les cicatrices d’acné de type rolling scar avec adhérences sous-jacentes surtout ! Cet article a le mérite de décrire une technique avec utilisation de petites aiguilles et seringues et quantité en 2 étapes bien structurées, d’insister sur l’importance de l’éclairage et du marquage et des risques. En effet ces patients ont souvent des particularités anatomiques avec des vaisseaux dilatés au sein de tissus très remaniés et il est important d’essayer de minimiser les risques vasculaires… Ils injectent donc avec leur technique verticale en pyramide inversée le plus possible mais dès qu’il existe un risques vasculaire avec une technique horizontale très superficielle. Pour le produit à rhéologie idéale pour cette technique ? A vos gammes ! : il doit être transférable dans une seringue à insuline et injectable disons avec des aiguilles de 30 G communément utilisées en France… Pour la durabilité dans ces indications, elle est souvent très prolongée par rapport à l’injection de zones mobiles.
Analyse biblio : Anne Le Pillouer Prost