Inflammatory immune-mediated adverse reactions related to soft tissue dermal fillers
Jaume Alijotas-Reig, MD,PhD, Maria teresa Fernandez-Figueras, MD,PhD, Lluis Puig, MD, PhD. Seminars in Arthritis and Rheumatism 43 (2013) 241-258.
Revue critique de 235 articles sélectionnés publiés en langue anglaise sur Medline Pubmed, et la base de données Google de 2000 à 2012 portant sur les effets secondaires des fillers, résorbables, non résorbables, semi-permanents.
Bien que les fabricants prônent la non toxicité et la non immunogénicité des fillers, il existe des effets secondaires avec tous les produits et 2 notions manquent : la sécurité au long terme et la réversibilité des effets secondaires.
Description des effets secondaires locaux immédiats ou retardés:
1. Réactions au site d’injection : 90% des cas.Rougeurs, œdème, ecchymoses pendant 4 à 7 jours, liés au traumatisme de l’injection mais aussi aux propriétés hygroscopiques du filler. L’œdème est plus fréquent avec les produits persistants et apparaît après 24 à 72 heures (10% après les ac polylactiques). Œdème et érythèmes diminuent si application de pacs de froid.
Les ecchymoses sont dues à la ponction accidentelle d’un vaisseau, ou à la pression exercée sur les vaisseaux par le filler. L’ajout de lidocaïne du fait de ses propriétés vasodilatatrices, augmenterait le saignement.
2. Positionnement inadéquat, incluant une injection trop superficielle.Papules blanchâtres, nodules palpables ou visibles, zones bleutées pas effet Tyndall. Le traitement se fait par massage ferme des nodules superficiels, ou par ponction ou drainage à l’aide d’une aiguille, ou par hyaluronidase si l’implant est un AH.
Complications liées à la nature du produit : par ex Hydroxyapatite de calcium contre indiqué en injection dans les lèvres ou dans les cernes.
3. Altération locale du flux sanguin. Par occlusion d’un vaisseau ou compression externe. Artère angulaire et nécrose de l’aile narinaire, ou supra trochléaire et nécrose de la glabelle associée ou non à des complications oculaires avec ischémie, risque de cécité ou d’atteintes des nerfs oculomoteurs. (Traitement : trinitrine locale, injection de hyaluronidase, héparine, hospitalisation, caisson hyperbare…)
4. Infections localisées
Herpes, bactéries… Nodules fluctuants, chauds douloureux, fièvre érésipèle. Traitement : ponction, examen bactériologique et antibiothérapie dans un premier temps empirique : clarithromycine, ciprofloxacine
Infection faciale sévère par entérocoque faecalis
Si apparition retardée, après 2 semaines, suspecter une infection mycobactérienne.
5. Réaction d’hypersensibilité aigue ou subaiguë
Très rare, de fréquence diminuée depuis la purification des AH de 0,8% à 0,3%
– Angioœdème < 1 à 5 cas pour 10000, lié aux protéines contaminantes. Hypothèse lors d’injection d’AH : interaction avec les mastocytes tissulaires via le récepteur CD44.
– Réactions retardées de 48 à 72 heures : elles sont médiées par les macrophages ou l’interaction avec les cellules T : inflammation granulomateuse. Traitement par faibles doses de corticoïdes per os, mais la réaction peut persister sans atteinte ganglionnaire. Tests positifs sur l’avant bras et dosage d’anticorps contre certains types d’AH. Description clinique :
- œdème, douleur au site d’injection puis érythème
- réaction papulo-nodulaire 2 semaines après l’injection
- nodules discrets et érythème de la zone de la lèvre
- nodules fluctuants, abcès stériles
6. Réactions immunologiques localisées, retardées.
Survenue en moyenne après 14 mois soit avec des AH seuls, soit plutôt avec les hydrogels acryliques. Biologiquement on peut trouver des anomalies de la PRC, du fibrinogène, une augmentation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, une diminution du complément (dans 36 à 56%descas). Bien que certains fillers soient capables d’induire une inflammation granulomateuse autour de l’implant, il faut toujours rechercher un granulome autour d’un foyer infectieux et traiter par antibiothérapie de façon empirique. En cas de fluctuation sont conseillés, incision, drainage, antibiothérapie, sinon biopsie et cultures micro-bactériologiques, et antibiothérapie combinée pour 3 à 4 semaines
Les réactions granulomateuses à l’acide polylactique survenaient dans 6 à 52% des cas, mais sont diminuées lors de plus grande dilution et d’augmentation du temps après reconstitution.
Cas particuliers selon les fillers :
- parotidite après ac L polylactique
- granulomes d’apparition retardée en moyenne de 1 à 2 ans avec les hydrogels acryliques
- granulomes liés à Artecoll dans 0,01% des patients surtout après la seconde ou troisième implantation, avec pour facteur déclenchant une infection sévère comme la grippe ou un traitement facial (rôle de l’augmentation des taux sériques de l’interféron ?)
- gels de polyacrylamide tels que Aquamid, ou polyalkylimide sont vecteurs de granulomes, d’abcès, de nodules œdémateux et inflammatoires récurrents après une latence moyenne de 13 mois et persistants
- Silicones liquides : déformations souvent désastreuses, voire complications fatales. La technique des microgouttes de silicone induit une micro-encapsulation fibreuse s’entourant d’une sclérose des années après avec lymphadénopathies locales (maladie du Morbihan)
Effets secondaires systémiques
1. Réactions systémiques aigues ou immédiates
- Surtout avec les silicones mais aussi les collagènes bovins, gels acrylamides,
- Description avec les AH de cas d’embolisation pulmonaire non thrombotique,
- Syndrome de choc toxique, lors de surinfection par streptocoques pyogènes
- Réaction d’hypersensibilité aigue type I avec collagènes non humains et AH.
- Syndrome de Sjögren, syndrome ASIA, le filler se comportant comme un adjuvant ;
2. Réactions retardées à distance ou inflammatoires systémiques.
- Silicones (qui sont capables de migrer !)
- Nodules inflammatoires à distance après hydroxyapatite de calcium
- Gels de polyacrylamide : panniculites à distance livédo réticularis, syndromes secs, syndrome ASIA
- AH : vascularites, syndrome sec, sarcoïdose, rash cutanés.
- Seuls les implants polyacrylamides semblent pouvoir exacerber une maladie de Crohn ou une rectocolite
- Collagènes bovins et myosite inflammatoire.
Pathogénie
L’inflammation est un phénomène normal, la phagocytose aussi dont dépend la longévité du filler. Les granulocytes circulants gagnent les tissus mous et sont la première ligne de défense. Les monocytes se différencient en macrophages. La phagocytose dépend de la taille des particules (si elles sont plus grandes que 5 µm elles nécessitent l’agrégation des macrophages, si elles sont supérieures à 15-20 µm elles ne peuvent être phagocytées), de la forme des particules, de leur charge de surface. La phagocytose est ralentie avec les particules plus hydrophiles, plus concentrées, ou avec un plus grand cross-linking. L’échec de la phagocytose provoque l’apparition des granulomes. Ils sont plus fréquents avec les particules de surface irrégulière (Dermalive par ex). Les granulomes peuvent s’entourer d’un anneau fibreux.
Les biofilms surviennent lorsque des colonies de microorganismes sont encapsulés dans une matrice extracellulaire qui entoure un granulome à corps étranger entraînant une inflammation de bas grade chronique. Cependant leur rôle dans les réactions retardées aux fillers autres que les silicones n’a pas été prouvé.
3. Syndrome ASIA : tous les bio-implants sont des activateurs spécifiques des cellules T et peuvent agir comme adjuvant sur un terrain génétique prédisposé, mais il semble déclenché par une infection, un traumatisme local, une vaccination …
Effets secondaires liés aux injections successives sur le même site.
L’injection répétée de différents fillers résorbables au même site ou sur des sites différents, n’entrainerait pas plus de réactions secondaires, mais si elles surviennent, elles seraient plus chroniques et plus sévères.
Histologie
Les processus inflammatoires montrent une prédominance de lymphocytes T, pour la plupart CD4+ ou moins souvent CD8+ avec une petite population de Lymphocytes B et de macrophages entourant les particules (soit disposition épithélioïde, soit à cellules géantes) associés à des histiocytes spumeux, une réaction fibroblastique, qui atteint le derme, l’hypoderme mais parfois aussi les muscles striés sous jacents. (Lèvre, paupières par ex) Calcification, nécrose sont décrites…
Aspect des particules
- Paraffine : espaces ronds de taille différente, aspect de « fromage suisse »
- Collagène : aspect des granulomes : granulome à corps étranger, granulome nécrobiotique, granulome sarcoïdosique, au centre desquels, le collagène est visible en lumière polarisée.
- Silicones : fibrose entourant des petits amas de silicone, macrophages contenant des vacuoles de taille irrégulière soit vides, soit translucides.
- AH : agrégats homogènes bleutés, dans le derme et les tissus sous cutanés. Coloration par le bleu alcian ou le fer colloïdal. Granulomes à cellules géantes multi nucléés, avec éosinophiles. Description d’une réaction à distance avec lésions de scléromyxœdème du tronc et des extrémités et d’un cas de réaction sarcoïdosique généralisée après traitement par interféron et rivabirin pour hépatite C.
- Parfois 2 implants visibles dans la même coupe histologique, par exemple après injection d’un résorbables sur un filler permanent implanté des années auparavant.
Traitement
- Réaction aigues systémiques : urticaire, anaphylaxie. Antihistaminiques, corticoïdes, épinéphrine, adrénaline, et support hémodynamique.
- Complications retardées :
- Injection locale de corticoïdes, très utile en cas de petits nodules peu nombreux, acétonide de triamcinolone (10-40 mg/ml) ou bétaméthasone (5-6 mg/ml)
- Mixture associant corticoïde et 5 Fluorouracil (50 mg/ml) ou bléomycine (1,5 IU/ml)
- Hyaluronidase, attention aux réactions d’hypersensibilité à cette enzyme.
- Imiquimod : non recommandé par les auteurs du fait des effets secondaires et du manque d’expérience.
- Inhibiteurs de la calcineurine : tacrolimus et pimecrolimus pour le traitement des granulomes résistants aux corticoïdes intra lésionnels. Mais le nombre de cas traités est trop faible.
3. Traitements systémiques
- Corticoïdes, prednisone de 0 ,5 à 1 mg/kg/jour
- Autres, mais utilisés pour des cas sporadiques par analogie avec leur efficacité pour d’autres maladies granulomateuses :
- Chloroquine, hydroxychloroquine (de 4-6,6 mg/kg/jour) efficacité à partir de 4 à 6 semaines de traitement avec des résultats acceptables.
- Antihistaminiques en association avec autres traitements
- Allopurinol à forte dose : 450-600 mg/j (granulomes des silicones)
- Antibiotiques, mais leur utilité et efficacité est controversée
- Colchicine, mais peu de cas traités, donc non recommandé par les auteurs.
- Acides rétinoïques per os : doses faibles avec bons résultats pour les granulomes au silicones.
- Inhibiteurs de la calcineurine : ciclosporine, tacrolimus peuvent être essayés en cas de résistance aux autres traitements. Faibles doses de Tacrolimus, efficacité rapide, 0,08-0,1 mg/kg/j, effets secondaires peu importants à cette dose.
- Anti TNF : pour les granulomes au silicone, aux méthacrylates, mais les études manquent d’autant qu’ils pourraient avoir un effet paradoxal d’aggravation.
- Associations médicamenteuses : allopurinol et hydroxychloroquine, hydroxychloroquine et antihistaminiques, allopurinol ou hydroxychloroquine et antibiotiques, acides rétinoïques et antibiotiques (macrolides ou doxycyclines)
- Chirurgie : pour les granulomes isolés, ou si granulomes quiescents depuis plus de 6 mois, mais avec séquelles ou cicatrices, ou pour les lésions résistantes à tous les traitements dont les immunosuppresseurs
- Traitements laser : étude de Cassuto, avec un laser Diode 532 nm en intra lésionnel.
Conduite à tenir en cas de réactions sévères, ou disséminées ou de manifestations systémiques
- Antécédents médicaux à préciser.
- Examen médical complet.
- Examen sanguin : signes d’inflammation, auto-anticorps, enzyme de conversion de l’angiotensine, dosage du complément,
- Tomographies, IRM
- Cultures de peau ou d’exsudats ou de matériel aspiré.
- Biopsies conseillées mais non obligatoires.
- En première intention : Injection de corticoïde intra lésionnelle
- Traitement de deuxième intention : allopurinol, hydroxychloroquine, antibiotiques avec activités anti-inflammatoires, acides rétinoïques, fortes doses d’antihistaminiques.
- Troisième intention : combinaison de 2 ou 3 traitements.
- Dernière ressort : tacrolimus ou immunothérapies mais effets secondaires parfois sévères
Analyse du Dr Catherine Raimbault