Injectables périorbitaires : comprendre les complications et savoir les éviter

Article analysé par Edith Duhard

Supervisé par le Prof. Claire Beylot

Injectables périorbitaires : comprendre les complications et savoir les éviter

Hwang CJ. Periorbital Injectables: Understanding and Avoiding Complications. Journal of Cutaneous and Aesthetic Surgery. 2016;9:73-79.

Cet article à visée pratique rapporte les complications survenant après injection de la région périorbitaire et leur mécanisme et propose quelques conseils de prévention.

La toxine botulique ne donne que des complications transitoires et ce sont donc les complications des fillers qui constituent le sujet principal de l’article. L’auteur insiste sur la nécessité d’une parfaite connaissance de l’anatomie de cette région (tissus mous, vascularisation et rapports osseux), où la peau est fine, avec peu de tissu adipeux et très mobile, au niveau des paupières notamment, très dynamique aussi dans la région périorbitaire. Il faut connaître bien sûr les différentes techniques d’injection et les complications possibles. Parmi les nombreux fillers disponibles, un choix judicieux est également important : les fillers non résorbables sont évidemment à proscrire dans cette région et on utilise surtout l’acide hyaluronique résorbable et réversible si nécessaire par hyaluronidase.

Les complications sont de deux sortes: ischémiques et non ischémiques.

Complications non ischémiques :

  • · Les irrégularités de surface ou de contour : elles sont évitées par l’injection sous l’orbiculaire ou pré périostée et l’injection en hachures croisées de petite quantité de produit. Elles peuvent être corrigées par la hyaluronidase.
  • · La coloration bleutée ou effet Tyndall : plus fréquente chez les sujets à peau claire et très fine est difficile à éviter, mais si elle est très visible, elle peut aussi être effacée par la hyaluronidase. Elle est parfois liée à une migration antérieure du produit.
  • · Réactions inflammatoires : l’allergie est rare, il faut surtout suspecter une infection
  • · Infection, formation de biofilm, sont prévenues par une désinfection soigneuse avant l’injection. Leur survenue nécessite un traitement par antibiothérapie systémique et un suivi régulier.

La hyaluronidase peut être utlisée une fois l’infection jugulée mais pas avant en raison du risque de dissémination de l’infection.

· Un œdème transitoire et des hématomes sont fréquents et sont minimisés par l’arrêt des traitements anticoagulants 2 semaines avant l’injection, l’application d’une crème contenant un vasoconstricteur avant l’injection, et l’application de compresses froides après l’injection.

Préventivement, il est préférable de récuser les patients qui ont facilement des oedèmes des paupières.

  • · Les granulomes peuvent être également traités par des injections de hyaluronidase.
  • · La pénétration du globe oculaire est très rare. Au cours de l’injection, il faut toujours être conscient de l’endroit où se trouve l’extrémité de l’aiguille.

Complications ischémiques

· crose ischémique :

Les patients doivent être prévenus de ce risque avant toute injection.

L’incidence est évaluée à 3 à 9 /10000 injections d’AH. Elle est due à l’injection intra artérielle accidentelle de filler dans la zone périorbitaire. Sont concernées les artères supraorbitaire, supratrochléaire, l’artère angulaire, parfois l’artère sous orbitaire. Les régions les plus à risque sont la glabelle et la région nasale mais elle peut survenir n’importe où sur le trajet des artères, lèvre, sillon nasolabial, tempe. Les conseils de prévention sont les suivants : utiliser des anesthésiques avec epinephrine, injecter de petites quantités à la fois, aspirer avant l’injection, pousser le piston de la seringue lentement, éviter d’injecter les zones cicatricielles, préférer la canule en sachant que les canules de petit calibre représentent un risque identique à celui des aiguilles.

Pour éviter la nécrose, il faut reconnaître et traiter précocément les signes d’ischémie : blanchiment et douleur qui peuvent être transitoires , marbrures sur une zone plus large que la zone injectée.

Plusieurs traitements ont été proposés : aspirine, antiagrégants plaquettaires, compresses chaudes, nitroglycérine (controversé ), vasodilatateurs, oxygène hyperbare. Mais le traitement le plus efficace est la hyaluronidase à haute dose (injection sous-cutanée de 400-1500 UI jusqu’à résolution de l’ischémie) si possible avant 24h d’ischémie. Plus tôt le traitement est fait, meilleur est le résultat. Elle peut être utilisée aussi par voie intraartérielle pour une action plus rapide (actuellement contesté, car il a été démontrépar le travail expérimental de Wang en 2017 que la voie sous cutanée péri-artérielle était plus efficace dans la prévention de la nécrose)

Risques visuels : Cécité, ophtalmoplégie, ptosis.

La cécité est la plus redoutable des complications. 98 cas ont été rapportés jusqu’en 2015 dont 23 avec des injections d’acide hyaluronique (mais tous les cas ne sont probablement pas déclarés). La plupart des cas sont Sud Coréens, du fait de la grande fréquence des rhinoplasties d’augmentation pour européaniser le visage, avec des injections de volumes importants en zone dangereuse, à la racine du nez et en région glabellaire, au carrefour anastomotique du système carotidien interne (artères sus orbitaire et sus trochléaires, branches de l’artère ophtalmique) et d’artères du système carotidien externe notamment l’artère nasale. . Mais ce ne sont pas les seules zones à risque, car du fait de la richesse des anastomoses, des cas de cécité ont été décrits à partir d’injections du front, des tempes, des sillons naso-labiaux. Le mécanisme invoqué est en effet une embolisation rétrograde vers l’artère ophtalmique par injection directe d’une de ses branches distales (supra trochléaire, supra orbitaire), ou dans une artère anastomosée avec une de ces branches. Puis quand le piston de la seringue est relâché les particules du fillers reviennent de façon antérograde dans l’artère ophtalmique et ses branches.

En général,la perte de la vision est immédiate et associée à la douleur.

Park et al. (JAMA Ophttalmol.2014 Jun;132(6):714-23.) ont décrit six types de perte de la vue en fonction du niveau d'occlusion de l'artère ophtalmique et des symptômes du patient: occlusion de l'artère ophtalmique (OAO), occlusion de l'artère ciliaire postérieure généralisée (PCAO) avec épargne relative de l'artère rétinienne centrale, occlusion de l'artère rétinienne centrale (CRAO) , PCAO localisé, BRAO et neuropathie optique ischémique postérieure (PION). Les injections de graisse autologue sont responsables de la plupart des OAO diffuses, du fait de la taille des particules plus élevée que celles d’acide hyaluronique .Cependant, ils ont rapporté trois cas d'OAO avec HA. De plus, la majorité des patients avec OAO par injection de graisse ont eu un infarctus cérébral, peut être dû au plus grand volume et à la pression d'injection utilisée lors des injections de graisse autologue. Cependant, même avec l’acide hyaluronique, il faut veiller à injecter lentement des petits volumes et sous faible pression d'injection pour réduire la possibilité d’embolisation retrograde dans l'artère ophtalmique et éviter le flux antérograde de petites particule susceptibles d’occlure l'artère rétinienne centrale, ou les artères ciliaires postérieures.

Jusqu’à présent aucun traitement n’a prouvé son efficacité.

L'injection d'hyaluronidase dans l'orbite (rétrobulbaire) a été proposée mais aucun succès n’a été rapporté à ce jour. L'injection directe d'hyaluronidase dans la cavité vitréenne pour dissoudre le produit dans la circulation rétinienne pourrait être une autre option mais n’a pas été utilisée jusqu’à présent chez l’homme. Une injection intra-artérielle directe de l'artère ophtalmique, par neuroradiologie interventionnelle, ou l’introduction d’une canule dans les artères supraorbitaires ou supratrochléaires a également été proposée.

Il faut adresser le patient en urgence dans les 90 mn (certains disent même dans les 30 minutes) à un ophtalmologiste, ce qui est rarement réalisable en pratique, mais malheureusement l’intervention est très rarement réalisable dans ce délai et la cécité est le plus souvent irréversible

Par contre, l’ophtalmoplégie et la ptose palpébrale souvent associées, régressent habituellement du fait probablement d’une riche circulation collatérale.

En conclusion . la zone périorbitaire est une région délicate qu’il ne faut pas aborder sans une parfaite connaissance de l’anatomie et une bonne expérience des techniques d’injection.

Il est important de prévenir le patient des risques de complications.

L’auteur insiste également sur la nécessité d’avoir de la hyaluronidase qui vient d’avoir l’AMM en France pour la prévention des nécroses locales liées à un embol intra-artériel d’acide hyaluronique, à sa disposition au cabinet.

Le risque d’allergie est rare mais existe. Si l’injection de hyaluronidase n’est pas urgente, un test allergologique est recommandé avant l’injection.

Pour plus d’information http://www.vigilance-esthetique.fr/fiche-info.php?id=101

http://www.vigilance-esthetique.fr/fiche-info.php?id=102