Hyaluronic acid in the third millennium

Article analysé par E Duhard

Supervisé par Isabelle Rousseaux

Hyaluronic acid in the third millennium

Fallacara, A.; Baldini, E.; Manfredini, S.; Vertuani, S. Hyaluronic Acid in the Third Millennium. Polymers 2018, 10, 701.

A partir de l’analyse bibliographique portant sur plus de 250 articles soigneusement sélectionnés parmi la multitude d’articles sur le sujet, les auteurs dressent une vue d’ensemble de l’acide hyaluronique et font une mise à jour des dernières avancées concernant la connaissance de l’AH et ses applications médicales, pharmaceutiques et cosmétiques.

Isolé pour la première fois par Karl Meyer dans l’humeur vitrée des yeux de bovins, la structure chimique de l’AH a été établie en 1954 par Meyer et Weissmann. La compréhension de son rôle biologique a conduit à la production et à son développement pour de nombreuses applications cliniques.

Autrefois extrait des crêtes de coq, il est aujourd’hui synthétisé par un processus de fermentation bactérienne, suivi de modifications chimiques des polymères d’AH. Dans le début des années 80 il est devenu un produit majeur en ophtalmologie. Et c’est à partir des années 1990 qu’il s’est développé en dermatologie esthétique. Actuellement, c’est une molécule clé dans une variété d’applications médicales, pharmaceutiques, nutritionnelles et cosmétiques et il est largement étudié sur le plan moléculaire et pour optimiser sa production et son utilisation médicale et esthétique ;

Structure physicochimique

C’est un polysaccharide appartenant au groupe des glycosaminoglycanes , non sulfaté . il est constitué de la répétition d’unités de disaccharides composés d’un sucre aminé (N acetyl glucosamine ou N-acetyl-galactosamine ) et d’un sucre uronique ( acide glucuronique ) reliés entre eux par des liaisons glucosidiques. On le retrouve dans les tissus épithéliaux, conjonctifs et nerveux.

Sa taille et sont poids moléculaire sont variables 103-107 Da.

Biologie

Largement présent chez l’homme, les animaux vertébrés, les bactéries, les algues, les levures et les mollusques .

Le corps humain en contient 15 g pour un adulte de 70kgs ; C’est un des principaux composants de la matrice extracellulaire (MEC) et environ 50% se retrouve dans la peau à la fois dans le derme et l’épiderme.

Il est synthétisé dans la cellule par trois isoenzymes hyaluron synthétases situés à la face interne de la membrane plasmatique (HAS1, HAS2 et HAS3) qui produisent des AH de différent poids moléculaire.

Sa dégradation dans le corps humain se fait par 2 mécanismes : dégradation enzymatique par des hyaluronidases dont il existe plusieurs isoformes, qui clivent les liaisons B 1-4 entre les chaînons, et détérioration oxydative due à des espèces d’oxygène réactif (ROS). La demi-vie de l’AH dans la peau est d‘environ 24 h. 33% est renouvelé par jour.

Une fois L'AH synthétisé, les molécules peuvent être libres dans l'espace extra-cellulaire ou bien restent rattachées à la membrane plasmique par les HAS ou bien par l’intermédiaire de leur récepteur spécifique, le CD44 pour former une couche d'AH péricellulaire.

Le rôle biologique.

L’AH est impliqué dans un nombre important de processus physiologiques et pathologiques.

L’équilibre entre synthèse et dégradation joue un rôle régulateur essentiel dans le corps humain car il détermine le taux et le poids moléculaire de l’acide hyaluronique.

Le rôle biologique de l’AH est lié à son poids moléculaire et à ses propriétés rhéologiques particulières. L’AH de haut poids moléculaire (HMW) et l’’AH de bas poids moléculaire (LMW) peuvent avoir des effets opposés.

Il existe deux mécanismes d’action :

-mécanisme passif corrélé aux propriétés physicochimiques de l’HA de haut poids moléculaire, de l’hygroscopie et la viscoélasticité, il a alors un rôle structurel participant à l’architecture de la MEC et l’hydratation.

– Par son interaction avec les protéines de liaison, ( protéoglycanes de liaison ou hyaladhérines extracellulaires ou matricielles et récepteurs de surface cellulaire ou hyaladhérines cellulaires) il a d’autre part un rôle régulateur de la signalisation cellulaire, intervenant dans la prolifération, la différenciation et la migration cellulaire. Il intervient dans la régulation de la réponse immunitaire, de l’angiogénèse et de l’inflammation et a un rôle dans le processus de cicatrisation.

Dans l’espace extracellulaire HMW HA ≥ 106 Da est anti-angiogénique et en raison de sa viscoélasticité il agit comme lubrifiant dans le liquide synovial articulaire et a un rôle bénéfique dans l’inflammation, la réparation des tissus et la guérison des blessures. Il lie le fibrinogène et contrôle le recrutement de cellules inflammatoires, les niveaux de cytokines inflammatoires.

Dans des conditions pathologiques comme l’asthme, la fibrose pulmonaire, la bronchopneumopathie obstructive et l’arthrite rhumatoïde ,HMW HA est clivé en LMW HA( 2X 104-106 Da) ayant des actions pro-inflammatoires et pro-angiogéniques. Il peut aussi induire la progression tumorale.

AH est une molécule clé intervenant dans nombre de processus physiologiques et pathologique mais malgré les nombreuses études réalisées jusqu’à présent, on connaît encore peu de choses concernant les rôles biologiques de l ‘AH , les facteurs déterminant l ‘accumulation dans les tissus endommagés et en particulier sur la façon dont interviennent le poids moléculaire et la localisation intra- ou extra-cellulaire

Production industrielle

Etant donné ces diverses activités, anti-inflammatoire, immunosuppressive et cicatrisation des blessures, et de ses propriétés biologiques et physicochimiques telles que biocompatibilité, biodégradabilité, non immunogénicité, mucoadhésivité, propriétés hygroscopiques, viscoélasticité et lubricité, l’AH est d’un grand intérêt en santé publique, et la recherche est importante pour optimiser la production afin d’obtenir des produits de grande qualité à un coût accessible.

D’abord produit par extraction d’origine animale à partir des crêtes de coq, ce procédé a été abandonné en raison des risques de contamination biologique et des coûts élevés de purification.

Actuellement, l’AH est produit par fermentation bactérienne et beaucoup de produits commerciaux dérivent de Streptococcus equi mais cela exige une purification rigoureuse et coûteuse. C’est pourquoi on étudie la possibilité de production à partir d’autres microorganismes mais jusqu’à présent aucun hôte produisant autant d’AH n’a été trouvé.

Une technique de synthèse chimioenzymatique a permis la production d’un AH avec faible indice de polydispersité commercialisé sous le nom de Select-HA.
D’autres études ont montré la possibilité de produire des fragments D’AH monodispersé en contrôlant la dégradation de l’AH de haut poids moléculaire par différentes méthodes (dégradation acidique, alcaline, ultrasonique, thermale)

Des modifications chimiques sont nécessaires et variables en fonction des différentes applications finales de la molécule, afin d’obtenir des produits plus performants, pour des demandes spécifiques et caractérisé par une plus longue demi-vie.

Deux techniques sont utilisées : la conjugaison et la réticulation. La conjugaison est obtenue en greffant une molécule monofonctionnelle sur une chaîne d’AH par une seule liaison covalente et la réticulation utilise des composé polyfonctionnels pour lier différentes chaînes d’AH par deux ou plusieurs liaisons covalentes ; La réticulation est destinée à améliorer les propriétés mécaniques et rhéologiques et réduire sa dégradation permettant une tenue plus longue dans les tissus concernés.

Applications médicales

  • Systèmes de distribution du médicament : AH ou des fragments peuvent être utiisés seuls ou combinés à d’autres substances liposomes, nanoparticules, microparticules, hydrogel pour développer des pro-médicaments et améliorer la distribution des médicaments. La recherche est très active dans ce sens mais encore au stade expérimental in vitro. Les plus prometteurs intéressent les agents antitumoraux. Des liposomes recouverts avec AH pourraient améliorer la sécurité et l‘efficacité des thérapies antitumorales.
  • Un hydrogel contenant 2,5% AH et 3% diclofenac est commercialisé pour le traitement des kératoses actiniques (Solaraze®)
  • Thérapie anticancéreuse. Le CD44 est surexprimé dans une variété de cellules tumorales et a été identifié comme une cible potentielle en thérapie anticancéreuse et l’AH pourrait être un puissant outil pour le développement de thérapies ciblée . Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de produit anticancéreux à base d’acide hyaluronique sur le marché mais de récentes études ont montré des résultats prometteurs.
  • Traitement des plaies : AH est inclus dans des formulations topiques pour traiter les plaies ou irritations cutanées, mais aussi pour l’ophtalmologie, l’otorhinologie et l’odontologie.

Chirurgie ophtalmologique et ophtalmologie : AH est un composant naturel de l’œil, retrouvé dans le corps, vitré, les glandes lacrymales, la cornée , la conjonctive et les larmes. Le premier produit biomédical à base d'acide hyaluronique, Healon®, a été appro uvé par la FDA en 1980 pour des usages en chirurgie ophtalmique : transplantation de cornée, cataracte, glaucome, etc.

Il existe également des solutions d’AH pour protéger et lubrifier l’œil.

  • Rhumatologie L'acide hyaluronique est utilisé pour traiter l'arthrose du genou, pour augmenter la viscosité du liquide synovial et lubifier l’articulation. Etant rapidement dégradé (24 h) il agirait en induisant la synthèse d’un nouvel AH et en stimulant la production des chondrocytes résultant en une diminution de la dégradation du cartilage.
  • Régénération des tissus mous les fillers à base d’AH sont les plus populaires pour la viscoaugmentation, pour le contour du visage et l’augmentation de volume. Les raisons de son succès sont la réversibilité de l’effet, la durée de l’effet correcteur qui varie entre 3 et 24 mois dépendant de la concentration en AH, de la réticulation (degré et type) et de la région traitée. D’autre part l’injection de hyaluronidase permet de remédier à une éventuelle hypercorrection ou complication.
  • Cosmétiques AH est un agent hydratant largement utilisé dans des formulations cosmétiques. L’effet antiride est contesté, aucune preuve scientifique existant ; L’effet hydratant dépend du poids moléculaire, de sa longévité et de la stabilité à la hyaluronidase.
  • Diététique :

L’action de l ‘AH de bas poids moléculaire ingérée demeure à l’heure actuelle peu claire, les résultats des études étant divergents mais HMW AH pourrait atteindre les articulations, les os, la peau même en petite quantité ;

Plusieurs études ont confirmé la sécurité de l’AH comme complément alimentaire ; il est commercialisé avec quelques différences sur son utilisation : tt de la douleur articulaire aux USA et Europe, tt des rides et hydratation au Japon

Plusieurs études ont montré une corrélation directe entre l’ingestion d’AH et les effets sur le corps

Commentaire

C’est un article très dense dans lequel les auteurs font une mise au point sur les connaissances actuelles concernant l’acide hyaluronique par une analyse bibliographique très étendue (plus de 250 articles) mais sans focalisation particulière sur les applications en dermatologie esthétique.

A la lecture de cet article, on comprend que malgré le nombre extrêmement important d’études réalisées, l’acide hyaluronique n’a pas fini de nous livrer ses secrets et que

d’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre les mécanismes de ses rôles biologiques et étendre ses applications pharmaceutiques et biomédicales. Des progrès sont également encore à faire pour améliorer et optimiser sa production industrielle.