Complication des auto-injections de fillers : Un problème de traitement

Article analysé par Docteur Edith Duhard supervisé par Docteur Isabelle Rousseaux

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Complication des auto-injections de fillers : Un problème de traitement

Complications of Self-Injected Facial Fillers: A Treatment Conundrum in the UK.

Blanchard J, Palmer J, Ali E, Cheng L. Case Rep Surg. 2019;2019:2041839.

A propos d’un cas de complication survenue à la suite d’une auto-injection de filler, les auteurs font le point sur la reconnaissance de ces complications par les médecins , leur impact économique et les moyens de limiter ces complications .

Il s’agit du cas d’une patiente de 24 ans adressée par un médecin généraliste dans un service de cancérologie pour un œdème suspect de la lèvre supérieure d’apparition rapide.

Cet œdème était apparu rapidement sans cause favorisante ou traumatisme selon la patiente. Elle était en bon état général et n’avait pas de facteur de risque de cancer tels que tabac et alcool.

La lèvre était augmentée de volume il existait un nodule ferme de 2cmx1cm qui n’empiétait pas la ligne médiane et une cicatrice ponctiforme à la bordure du vermillon au sein d’un tissu traumatisé. La lésion était douloureuse à la palpation mais sans induration, suppuration ou ulcération. Il y avait également un œdème ferme dans le sillon labial. La dentition paraissait saine sans signe d’infection.

L’examen du dossier électronique de la patiente a permis de noter qu’elle avait consulté un service d’urgence hospitalier 4 semaines auparavant pour un œdème de la lèvre survenu à la suite d’une auto-injection de filler acheté sur internet.

Cette patiente ne se rappelait pas le nom du site internet et ne savait pas le nom du filler ni s’il s’agissait d’un produit permanent ou non.

Les différents diagnostics possibles étaient une Infection, une réaction granulomateuse secondaire à l’injection du filler, une lésion traumatique ou une allergie de type IV.

En raison de l’historique et de l’aspect clinique, le diagnostic retenu a été celui de réaction granulomateuse. Et un traitement conservateur a été proposé avec suivi clinique et photographique et injection intralésionnelle de Hyaluronidase, la patiente étant informée de l’inefficacité possible puisque la nature du produit injecté était inconnue. Une semaine plus tard, l’œdème avait déjà régressé ainsi que la douleur et avait complètement disparu 2 mois plus tard.

Le coût de et acte pour le service National de santé a été au total de 323,17 £ pour 3 consultations , la cause de ce problème ayant pu être identifiée grâce à l’accès au dossier électronique de la patiente, des investigations complémentaires n’ont pas été nécessaires mais ce n’est pas toujours le cas et le coût est parfois beaucoup plus important si du fait du manque de transparence des patients, ou de complications plus graves des examens complémentaires sont entrepris.

La demande esthétique est de plus en plus importante et les procédures non chirurgicales au Royaume Uni représentent 90% du marché principalement effectuées sur des jeunes femmes de 17 à 24 an s. Cet accroissement est en partie dû aux pressions sociales au travers des medias sociaux. D’autre part il est maintenant facile d’acheter des fillers sur internet sans prescription du médecin et sans qu’aucune information sur les risques possibles ne soit fournie.

Une nouvelle réglementation introduite en 2016 par la HEE ( Health Education training) a permis d’assurer que les fillers de pouvaient être injectés par le personnel non enregistré auprès d’un organisme de soins de santé. Mais depuis, le nombre de personnes pratiquant des auto-injections a augmenté. La NHS n’ayant pas publié de données concernant le nombre exact annuel de cas de complications de procédures cosmétiques au moment de la publication de cet article, aucune estimation du coût total ne pouvait être faite.

Avec l’augmentation des interventions esthétiques, le nombre de complications concernant les procédures chirurgicales et non chirurgicales augmentent. Et les auteurs soulignent la nécessité d’une réglementation plus étroite et rigoureuse. D’autre part, une formation des professionnels de santé concernant la reconnaissance de ces complications et la prise en charge de ces patientes paraît nécessaire, l’auto-injection n’étant pas toujours avouée par la patiente. Et enfin les auteurs posent le problème de la prise en charge de ces complications due à des pratiques esthétiques privées par la NHS et du financement de cette prise en charge.

Ces réflexions concerne le Royaume Uni mais sont également applicables à la France où légalement les injections de fillers doivent être réalisées par des médecins et où les autoinjections sont également de plus en plus fréquentes, banalisées par des tutoriels sur Internet montrant le déroulement d’une injection et réalisés par des professionnels et non professionnels.

1. Blanchard J, Palmer J, Ali E, Cheng L. Complications of Self-Injected Facial Fillers: A Treatment Conundrum in the UK. Case Rep Surg. 2019;2019:2041839.