Article analysé par Martine DARCHY GILLIARD
Dysphagie après injection de toxine botulique pour le rajeunissement du cou.
Pourquoi ce risque et comment l’éviter ?
Phothong W, Wanitphakdeedecha R, Keskool P, Manuskiatti W. A Case of dysphagia following botulinum toxin injection for neck rejuvenation. J Cosmet Dermatol 2017 ; 16 : 15-17
La toxine Botulique (TB) est largement utilisée dans des techniques de rajeunissement du visage dans la partie supérieure avec agrément de la FDA (2002 -2013) mais aussi de la partie inférieure, et aussi les muscles du cou sans agrément mais avec efficacité et satisfaction des patients.
L’article rapporte le cas d’une femme thailandaise de 47ans, hospitalisée dans le service de dermatologie de la faculté de médecine de Bangkok avec des symptômes de dysphagie progressive après injection de toxine botulique pour rajeunissement du cou . L’injection a été faite 3 jours avant l’admission, à la dose de 70 UI de BTX-A (Botulax*,Visiomed ltd,Séoul, Corée) au niveau des cordes platysmales à la face antérieure et aux faces latérales du cou . Trois jours après l’injection, apparaît une dysphagie aux solides et aux liquides, et les symptômes s’accentuent entrainant une gêne respiratoire occasionnelle et des troubles du sommeil. L’examen clinique relève des ecchymoses aux points d’injections. L’examen neurologique des paires crâniennes est normal, de même que celui des systèmes respiratoire et cardiovasculaire. Un examen laryngologique montre une incoordination neuromusculaire due à une faiblesse musculaire suprahyoïdienne. La recherche de TB sérique est négative. Après une semaine d’hospitalisation et l’administration de pyridostigmine 130 mg/jour, la dysphagie diminue progressivement puis disparait. Aucune récurrence n’a été observée lors des visites de suivi à 1,2 et 3 mois .
Une connaissance anatomique et physiologique non seulement du platysma mais aussi des muscles sus-hyoïdiens risquant d’être impliqués en cas d’erreur technique est indispensable à tout praticien voulant injecter de la TB dans les cordes platysmales. Les couches successives de la surface à la profondeur sont : la peau, la graisse sus platysmale, le muscle platysma, très fin et aplati et souvent fenêtré, la graisse sous platysmale. A la partie antérieure du cou, la graisse sous platysmale est recouverte par la partie antérieure du platysma (P). Les muscles suprahyoïdiens (digastriques (D) latéralement et mylohyoidiens (M) au milieu) impliqués dans la déglutition, sont à proximité sous la graisse sous platysmale (schéma) Avec l’âge, les mouvements répétés et le vieillissement musculaire apparaissent les cordes platysmales, dues à la contraction réactionnelle du rebord antérieur du platysma, dont la visibilité et le caractère inesthétique sont accrus par le relâchement cutané et la perte de la graisse sus et sous platysmale . Les muscles platysma et suprahyoidiens s’en trouvent rapprochés et les risques de diffusion indésirable des injections de TB aggravés. Cette disposition anatomique favorise le risque d’injection dans la graisse sous platysmale, si la corde platysmale n’est pas bien maintenue pendant l’injection, si l’injection est trop médiane et trop haute par rapport à la corde platysmale. Les autres facteurs de risque sont l’utilisation de trop fortes doses (c’était le cas ici où 70U de Botulax dont les unités seraient équivalentes à celles du Vistabel ont été injectées, alors que sont préconisées 40 à 60 U par séance au maximum), une dilution excessive et évidemment l’utilisation de toxine non labellisée.
Le risque de dysphagie est une complication classique, bien que rarement publiée au cours des injections de TB dans les cordes platysmales. Cet article est limité à un seul cas, mais il est bien étudié et détaillé, et son intérêt est de rappeler qu’il faut avoir conscience de la proximité anatomique des cordes platysmales antérieures avec les muscles suprahyoïdiens, dont le rôle fonctionnel est important dans la déglutition. Aucune injection de BTX ne doit être banalisée, en particulier dans cette zone à risque. Un autre point intéressant et peu connu est le traitement de la dysphagie de cette patiente par pyridostigmine, parasympathomimétique indirect par son effet inhibiteur de l’acétylcholinestérase. Ce produit, qui est indiqué dans la myasthénie, potentialise l’action de l’acétylcholine en augmentant sa concentration dans la fente synaptique, donc la disponibilité de neurotransmetteur pour les muscles. On peut y recourir dans les cas de dysphagie importante et de troubles respiratoires suite à des injections de TB au niveau du cou et quand très exceptionnellement des muscles sont atteints à distance avec un tableau de botulisme iatrogène, comme cela a été décrit suite à des injections à but esthétique avec des doses considérables de TB avec un produit non labellisé.
La dissection visualise les muscles suprahyoïdiens : D (Digastriques), M (Mylohyoïdiens), sous la graisse sous platysmale (en jaune) et le platysma (P) récliné.