Dermatologic Surgery Janvier 2019 : 2 articles détaillés et commentés et le reste….
Par Anne LE PILLOUER-PROST, dermatologue, Marseille, vice-présidente du GDEC, doclepillouer@free.fr
Evaluation objective après injection sous cutanée d’acide hyaluronique
Hyaluronic Acid After Subcutaneous Injection – An Objective Assessment
Santer V, Molliard SG, Micheels P et al., Dermatologic Surgery Jan 2019 ; 45 :108-116
Généralités :
L’intégration dermique des produits à base d’AH dépend de leurs propriétés biophysiques :
– Forte cohésivité et faible viscoélasticité : intégration tendant à être homogène
– Faible cohésivité et forte viscoélasticité : intégration plus hétérogène
Malgré les indications et revendications des fabricants, en dehors de techniques particulières, telle que la blanching technique développée par le Dr Micheels, les injections sont souvent le plus souvent réalisées dans les tissus sous-cutanés et non dans le derme. Paradoxalement il y a peu de données sur le devenir des produits dans le tissu sous-cutané. Une étude préliminaire sur 2 produits volumateurs injectés en sous-cutanés (avant abdominoplastie) a montré des données similaires aux données connues sur l’intégration dermique avec un meilleur maintien de l’intégrité et de l’homogénéité du gel présentant la plus forte cohésivité.
Etude :
Ex vivo sur peau porcine et humaine après injections de 3 acides hyaluroniques (AH) : BELb (Belotero Balance), JUVv (Juvederm Voluma) et RESl (Restylane Lidocaïne)
Ces 3 AH couvrent des indications et propriétés variées :
Propriétés |
Belotero Balance |
Juvederm Voluma |
Restylane Lidocaïne |
Technologie |
Matrice cohésive polydensifiée |
Vycross |
NASHA |
Agent de réticulation |
BDDE |
BDDE |
BDDE |
Contenu en AH (mg /ml) |
22.5 |
20 |
20 |
Indication (marquage CE) Localisation |
Rides et sillons modérés Derme |
Volume facial Sous-cutané |
Rides Derme |
Cohésivité (score) |
5 |
2 |
1 |
Elasticité G’ (Pa) Elasticité E’ (Pa) Force de compression statique à 1.5 mm |
63+/-3 31.457+/-1132 0.51+/-0.02 |
314+/-5 41.747+/-947 0.33+/-0.02 |
677+/-13 8456+/-256 0.23+/-0.01 |
Macrostructure du gel |
Toile d’araignée |
particules |
particules |
Microstructure du gel |
fibreux |
Fibreux |
Fibreux |
– BELb et RESl : sont à l’opposé en termes de rhéologie et de structure
– BELb : hautement cohésif et faiblement viscoélastique et RESl faiblement cohésif et hautement viscoélastique, JUVv étant intermédiaire
Evaluation immédiate de la distribution : macroscopique, OCT et histologie
Ex vivo : oreilles de porc âgés de 6 mois ou peau humaine après abdominoplastie ou lifting facial
Injections : 0.1 ml, 20 à 45°, 2 mm (oreilles porcines et peau humaine facial) à 6 mm (peau humaine abdominale)
Résultats :
– Sur oreilles de porc en OCT : déformation minimale de l’hypoderme (déplacement des lobules adipeux sans altération) – pas de différence entre les différents gels
– Sur peau humaine abdominale : mise en place identique pour les 3 produits de comblement qui ont formé dans la graisse abdominale des bolus homogènes limités par les travées septales fibreuses des tissus adipeux.
– Sur peau humaine faciale : de nouveau les produits de comblement se sont placés dans les tissus sous cutanés majoritairement en bolus homogènes délimités par les travées interlobulaires septales intactes
Discussion
La moindre élasticité des tissus sous-cutanés comparée à celle du derme n’influence pas significativement la distribution des gels d’AH. Leurs différences rhéologiques ne modifient pas leur mise en place. Les 3 gels se distribuent comme des bolus homogènes entre les travées septales fibreuses déplaçant seulement les lobules adipeux
Limites : ex vivo, faible quantité, temps 0 (que se passe-t-il ensuite avec les contraintes physiques dans les tissus au fil du temps ?)
Pour les cliniciens :
– Les propriétés rhéologiques des AH ne semblent pas modifier leur distribution dans les tissus sous cutanés qui est en fait le plus souvent l’endroit où ils sont distribués
– Une étude de plus pour valider l’excellent profil de sécurité des injections de ces produits dans les tissus sous-cutanés
Commentaires : Oui on injecte surtout dans les tissus sous cutanés… Oui cette étude avec OCT et histologie va dans le sens d’un profil sécuritaire : en injectant de petites quantités d’AH (0.1 ml) on refoule les lobules adipeux sans les altérer et au temps zéro les trois produits étudiés se placent parfaitement bien dans les tissus sous forme de bolus quelles que soient leurs propriétés rhéologiques. Le titre était alléchant mais on reste un peu sur sa faim … pour que les propriétés rhéologiques des produits s’expriment notamment dans leurs résistances aux contraintes in vivo et donc pour évaluer leur longévité des études sur le long terme sont nécessaires… et restent à faire.
Impact des injections de toxine botulique de la glabelle et des pattes d’oie sur les rides frontales statiques
Impact of Botulinum Toxin Type A Treatment of the Glabella and Crow’s Feet on Static Forehead Rhytides
Ballard TNS, Vorisek MK, Few JW, Dermatologic Surgery 2019 ;45 :167-169
La question est de savoir si la mise au repos des antagonistes du frontal par injection de la glabelle et des pattes d’oie (corrugator et orbicularis oculi) tend à stimuler par réaction une hyperactivité de ce muscle avec aggravation de rides frontales horizontales ?
Méthode : 50 femmes traitées par abobotulinum toxine durant 3 ans par 50U en moyenne pour la glabelle et 20 unités en moyenne pour chaque patte d’oie, évaluation des rides frontales horizontales par 2 évaluateurs indépendants
Résultats sur les scores des rides frontales statiques : 48% aucune modification, 46% réduction de 1 point, 4% réduction de 2 points, 1 seule patiente a eu une augmentation de 1 point.
Discussion : Les injections modifient la dynamique entre les agonistes et les antagonistes de la partie supérieure du visage et au lieu d’une aggravation des rides frontales on observe dans presque 50% des cas une amélioration. Ces résultats sont particulièrement intéressants pour les patients avec blépharochalasis ou les patients présentant un petit front. On peut donc éviter de les injecter dans le frontalis (ce qui modifierait la position de leurs sourcils avec effet de ptose et leur conserver de l’expressivité sans aggraver leurs rides frontales horizontales). En pratique il est donc intéressant de n’injecter dans un premier temps que la glabelle et les pattes d’oie d’un patient et de le réévaluer à 2 semaines voire seulement après 2 ou 3 cycles de traitement de ces 2 zones seules avant d’injecter le frontalis.
Commentaires : cette étude publiée tout à la fin de la revue dans les lettres et communications n’en reste pas moins très intéressante, confortant nos habitudes de ne traiter que très légèrement voire pas du tout le frontalis lors de la première séance d’injection… Il est classique en esthétique comme en pathologie que l’injection des muscles agonistes entraînent une hyperactvité des muscles antagonistes mais ce n’est pas le cas pour le frontalis… Intéressant aussi de savoir qu’il faut attendre 2 ou 3 cycles d’injection et pas seulement 2 à 3 semaines après la première injection pour réellement décider de le traiter ou non. Les patientes demandent des traitements plus naturels, moins figés et l’effet de casquette, de ptose de la ligne des sourcils est redoutable pour dégoûter à jamais un patient des injections. Tout cela va vraiment dans le bon sens !
PRP et alopécie androgéno-génétique masculine et féminine (Editorial p 80-82) : Globalement il y a peu d’études de qualité (pas de placebo ni randomisation, peu de sujets, peu de suivi, manque de standardisation…) mais de petites séries avec un suivi de 3 à 12 mois toujours favorables après utilisation de PRP allant du ralentissement de la chute à l’épaississement et la densification des follicules restants. Suivant les séries :
– Efficacité en 3 mois
– Durabilité ? variable 16 à 3 mois… (nécessité de séance d’entretien)
– Aggravation transitoire de la chute au début parfois
– Plus efficace dans les stades précoces
– Seul ou associé : Finastéride, minoxidil et lumière de faible intensité (LED)
Des études sont donc nécessaires, contôlées et randomisées avec un suivi prolongé pour déterminer les protocoles et l’entretien des résultats.
La place du PRP pour les effluviums télogènes, les alopécies cicatricielles et les transplantations de cheveux doit également être définie
PRP et vitiligo (p83-89) : en enrichissant les suspensions mélanocytaires autologues par du PRP on
peut on peut améliorer le taux de guérison et de repigmentation des plaques de vitiligo
PRP et cicatrices d’acné (p90-98) : Etude prospective intra-patient hémiface, subcision seule (aiguille 18-20 G à 30° et mouvements de piston) versus subcision + injection intracicatricielle de PRP (0.1-0.2 ml à la base de chaque cicatrice) + mupirocine et amoxicilline et AINS ; 40 patients dont PT IV et V 75% ; 4 séances espacées de 4 semaines et suivi de 2 mois après la dernière séance ; amélioration de 32.08% pour la combinaison versus 8.33% pour la subcicion seule ; cicatrices en M (rolling scars) 39.27% vs 19.15%, cicatrices en U (box scars) 33.88% vs 3.88%, cicatrices en pics à glace : pas d’amélioration ; cicatrices de plus de 10 ans : pas d’amélioration ; pigmentation post-inflammatoire 17.5% des 2 côtés, pas d’autre effet indésirable. Les auteurs rappellent les résultats de plusieurs autres séries PRP + microneedling ou laser fractionné CO2 ou Er:YAG 2940 nm versus microneedling ou laser fractionné CO2 ou Er:YAG 2940 nm seul, toujours en faveur de la combinaison ainsi que la résistance des cicatrices en pics à glace ; En conclusion cette technique combinée est simple, efficace, sûre et peu coûteuse.
Evaluation de l’impact du rajeunissement péribuccal (injections d’acide hyaluronique) sur l’humeur du patient (p99-107) : auto-questionnaires et évaluation en aveugle sur photographies avant et après injection d’AH au niveau des commissures et des rides péri-labiales (petites particules, 20 mg/ml avec 0.3% de lidocaïne, canule de 22 G, 1 à 2 séances espacées de 2 semaines, 2.35 ml en moyenne), tous favorables en termes de première image projetée, bien-être psychologique, humeur … la glabelle n’est donc pas la seule zone avec un impact sur l’humeur, la bouche et notamment le sourire et l’apparence des coins de la bouche en ont aussi.
Mélange de produits de comblement (p117-123): Enquête nationale de l’ASDS (American Society Dermatologic Surgery) : 475 réponses ; 35% réalisent des mélanges avant injection ; lidocaïne (44%), lidocaïne adrénalinée (36%), sérum physiologique (30%), eau stérile (7%) ; pour diminuer la viscosité et faciliter l’injection (40%), augmenter l’anesthésie (30%), diminuer l’œdème (17%) ou augmenter le volume (13%) ; les auteurs s’étonnent du pourcentage de plus d’un tiers des praticiens alors qu’il n’exoiste aucune donnée scientifique (modification des propriétés rhéologiques et de l’efficacité mais aussi sécurité) pour promouvoir ces pratiques.
Perception négative de la graisse sous-mentale chez des adultes aux USA (p124-130)
Etude clinique randomisée, hémiface, double aveugle comparant radio-fréquence monopôlaire (MRF – Thermage) et ultrasons focalisés haute intensité (MFU-V – Ulthera) (p131-139) : Etude prospective, randomisée, intra-patient, hémi-face, évaluation aveugle, visage et haut du cou, 20 femmes dont 15 ont terminé l’étude, laxité faible à modérée et symétrique, 1 séance sous ‘’ketorolac tromethamine’’ 60 mg IM et lidocaïne-tétracaïne 7%/7%, MRF : niveau 3 (2-4), 600 pulses (2-3 passages complets puis 4 à 5 vecteurs dans la direction recherchée) et MFU-V 4.5 mm 4 MHz, 3 mm 7 MHz et 1.5 mm 10 MHz pour un total de 195 lignes en profondeur et 205 lignes en superficie, suivi de J30 à 6 mois, Vectra 3D 5 photographies (face, 2 obliques et 2 profils) à chaque visite de suivi ; résultats positifs dès J30 avec amélioration de la laxité des joues, des sillons naso-géniens, des bas-joues et du cou sans différence significative entre les 2 techniques ; amélioration du score global MFU : 72.2% à J90 et 53.3% à J 180, MRF : 44.4% J90 et 66.7% à J180 ; EVA 1.4 pour la MRF et 2.35 pour le MFU ; 1 seul cas d’érythème prolongé à J30 après MFU (non durable), erythème, œdème, hématome transitoires
Déoxycholate de sodium – DOC (Kybella/Belkyra) dans la bas-joue : expérience préliminaire (p165-167) : 19 patients,; 2 à 5 points de 0.2 ml (0.4 à 1 ml) d’une solution de DOC à 2 mg/cm² plus TAC 1 mg/ml pour diminuer l’œdème post-traitement, en refoulant la bas-joue pour s’éloigner de la zone de passage du nerf mandibulaire ; résultats positifs en une seule séance en général (1 séance pour 15 patients, 2 séances pour 1 patient) ou 3 séances pour 2 patients) avec des effets secondaires minimes (1 cas de parésie avec sourire asymètrique)