Article analysé par le Docteur Anne Le Pillouer-Prost
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Delayed hypersensitivity reaction to hyaluronic acid dermal filler following influenza-like illness
Turkamni MG, De boulle K, Philipp-Dormston WG
Clinical, Cosmetic and Investigational Dermatology 2019 ;12 :277-283
Les réactions retardées après une injection d'acide hyaluronique au visage sont des complications relativement rares. Leur cause peut être d'origine infectieuse ou à médiation immunitaire, et leur apparition, peut être déclenchée, par exemple, par une maladie de type grippal.
Objectif : Décrire les effets indésirables d’injection de produits de comblement (PDC) à la suite d’un syndrome grippal
Méthodes :
– 2 centres dermatologiques (Arabie Saoudite et Belgique) – 2016-2018
– 14 cas rougeurset gonflements douloureux sur des sites antérieurement injectés 3 à 5 jours après un syndrome grippal (fièvre, céphalées, mal de gorge, toux, fatigue)
– antécédent d’injections dans les 2 à 10 mois précédents souvent plusieurs fois (2 à 6) et souvent avec plusieurs produits voire plusieurs gammes différentes (voir tableau ci-dessous)
– aiguille ou canule
– pas d’antécédents de pathologie auto-immune ou allergies ni d’injection de produits permanents antérieurement.
– Traitement par corticothérapie par voie orale
– Résolution en 15 jours dans 10 cas sur 14
– 4 autres patients : hyaluronidase à 1 mois
– Suivis 2 mois jusqu’à résolution ou un autre syndrome grippal ou une récurrence
Discussion sur l’HSR:
– Jusqu’à plusieurs mois ou années après biodégradation / injection AH sans incident.
– Probabilité d'occurrence : inconnue
– Topographie : en général tous les sites précédemment injectés en même temps. Dans la série :
- le patient 7 a développé la réaction seulement sur un côté du visage
- 2 patients n’ont pas réagi aux sites précédemment injectés car sites injectés plus de 2 ans avant
– Etiologie :
- Facteurs biologiques patient (infections et traumatismes). L'explication des événements tardifs observés dans notre article la plus probable est la grippe mais reste mal comprise (rôle des lymphocytes T CD4+ et des macrophages) et ne dépend pas seulement des caractéristiques de l'AH mais aussi de la réponse de l'hôte biologique.
- Technique d'injection : volume de remplissage, répétition, des traitements, implantation intramusculaire. Dans la série pas d’influence du type de remplissage (réticulation, concentration…), du nombre d'injections, ou des volumes injectés
- Propriétés des AH
- Ils ont le même polysaccharide qui compose une grande partie de notre peau, considéré comme non immunogène. Toutefois, dans certaines conditions, ils pourraient directement déclencher une réponse immunitaire spécifique,sans la phase primaire de l'inflammation, comme un « superantigène ».
- Des composants ajoutés pour stabiliser (réticulant) ou des conservateurs peuvet également être immunogènes.
- Libération de fragments d’AH pro-inflammatoires car de faible poids moléculaire (Beleznay, et al.) reste débattue d’autant que la définition du faible poids moléculaire de l’AH reste mal définie en recherche clinique.
- Une interaction immunologique entre un traitement à la pénicilline et une infection virale Ebstein-Barr (c'est-à-dire le mal de gorge) est connu pour induire des exanthèmes maculo-papuleux. Le mécanisme exact de cette interaction n'est pas clair : véritable réaction allergique au médicament, éruption infectieuse dépendante ou perte transitoire de la tolérance au médicament. Antibiotiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens sont couramment utilisés en pratique quotidienne pour le traitement des infections aiguës des voies respiratoires. L'AH, comme l'infection virale, est connu pour activer in vitro les lymphocytes T via CD44. L'AH pourrait donc être un facteur de risque de développement de l'HSR lors de l'introduction de tout médicament.
– Diagnostic différentiel exact peut être difficile entre Infection (y compris biofilm) et es granulomes à CE
– Traitement :
- Anti-histaminiques non efficaces
- La hyaluronidase peut être injectée pour éliminer les allergènes dans certains cas
– Revue littérature antérieure
- Homsy et al. (Reports Plast Surg Hand Surg 2017) : 2 patients avec multiples collections inflammatoires sur le visage à la suite d'un mal de gorge
- Bhojami-Lynch (Dermal Plast Reconstruc Surg 2017) : 1 cas de douleur et d'affection pseudo-grippale déclenchantes et 1 cas de lèvre granulomateuse 8 mois après injection de silicone et une semaine après un syndrome grippal
Nous avons donc présenté de rares cas inhabituels d’HSR à l’AH après un syndrome de type grippal. Le rapport n’est pas clair ni encore bien compris. Faire des tests serait intéressant mais ils sont peu sensibles et peuvent être négatifs.
Principale limite de cet article : absence d’analyse histologique (refus des patients/gestes invasifs).
De nombreuses questions restent en suspens :
- Que se passera-t-il si ces patients attrapent une autre grippe ?
- Ces patients sont-ils de bons candidats pour recevoir à nouveau des injections d’AH ?
… Nécessité de plus d'études pour expliquer ces réactions.
Conclusion : Bien qu'il y ait un faible risque de réaction indésirable tardive avec l'acide hyaluronique, les médecins injecteurs doivent être conscients d’un risque d’HSR après un syndrome grippal
Patient |
Age |
Produits injectés |
Nombre d’injection AH (<4 ans) |
Apparition des signes (Délai mois) |
Traitement reçu |
Remarques |
1 |
32 |
Teosyal Deep Lines Belotero Intense Belotero Volume |
4 |
4 |
Prednisolone Hyaluronidase |
|
2 |
31 |
Teosyal Deep Lines Juvederm Volbella Belotero Balance |
3 |
2 |
Prednisolone |
|
3 |
29 |
Teosyal Puresens Juvederm Volift |
2 |
10 |
Prednisolone |
|
4 |
22 |
Juvederm Volbella Teosyal Kiss |
2 |
4 |
Prednisolone |
|
5 |
40 |
Juvederm Volbella Juvederm Voluma Juvederm Volift |
6 |
6 |
Prednisolone Hyaluronidase |
|
6 |
65 |
Teosyal |
2 |
4 |
Méthyl-Pred. |
|
7 |
57 |
Hylaform Surgiderm |
8 |
7 |
Méthyl-Pred. |
Un seul côté du visage |
8 |
63 |
JuvedermVolbella Belotero Balance |
5 |
9 |
Prednisolone Hyaluronidase |
|
9 |
41 |
Juvederm Volbella Juvederm Voluma Juvederm Volift |
3 |
3 |
Prednisolone Hyaluronidase |
|
10 |
25 |
Restylane Volume Restylane Defyne Belotero Intense |
4 |
5 |
Prednisolone |
|
11 |
34 |
Juvederm Volbella |
6 |
3 |
Méthyl-Pred. |
|
12 |
45 |
Belotero Balance |
4 |
5 |
Méthyl-Pred. |
|
13 |
23 |
Belotero Balance |
2 |
6 |
Méthyl-Pred. |
|
14 |
61 |
Restylane Defyne Restylane Refyne |
6 |
4 |
Méthyl-Pred. |
Commentaires
– Revue avec impact factor élevé 2.55 (JAAD : ; Dermatol Surg 2.12)
Mais beaucoup de LIMITES …
– Syndrome « grippal » mal défini :
- pas de notion de courbatures ? Mal de gorge ?
- Pas de NF : inversion de formule ?
- Pas de sérologie aucune
– Pas d’histologie
– Proportion de cas / nombre de seringues injectées durant la même période : inconnue
– Produits : pas de relation ??? certainement parce que les auteurs injectaient plus de produits ue d’autres alors car produits retrouvés :
- Juvederm Vy-cross : 7 cas sur 14
- Teosyal : 5 cas
- Belotero : 6 cas (seul 2 cas ; avec Vy-cross ou Teosyal 4)
- Restylane : 2 cas (1 seul ; 1 avec Belotero)
– Littérature antérieure extrêmement pauvre par rapport aux millions de seringues injectées dans le monde et à la fréquence des viroses dans le monde toujours ; Articles en références à lire en entier pour voir si biopsie- véritable virose ou non
– La conclusion reste intéressante car oui, surtout en cette période de pandémie avec un virus source sur certains terrains (allèles génétiques non connus à ce jour) de réactions tardives dermatologiques ou extra-dermatologiques de fréquence et de délai d’apparition inconnue à ce jour, il faut être vigilant et même en VIGILANCE ACCRUE !
Merci de nous aider à assurer cette vigilance et de remplir la fiche d’observatoire en cliquant sur le lien suivant. Ce n’est que grâce aux déclarations que nous pourrons avancer pour la sécurité de nos patients. Il vous suffit de vous munir de votre RPPS et d’estimer le nombre de seringues que vous avez injectées depuis septembre 2019 c’est-à-dire 6 mois et demi pour ceux qui se sont arrêtés au 16 mars (ou à défaut depuis janvier 2020 si vous n’avez pas le temps de faire plus de recherche) et de déclarer par oui ou non si vous avez eu des cas de nodule(s) tardif(s) lors d’un COVID positif, probable
Lien direct vers la page du formulaire :
https://www.vigilance-esthetique.fr/observatoire-covid-granulome.php
– Enfin ma conduite à tenir actuelle (6 mai 2020 à actualiser en fonction des données de la science :
- COVID +, probable ou contage<15 jours : ne pas traiter
- COVID guéri : attendre 15 jours
- COVID guéri mais ayant fait des signes retardés (livedo, purpura, vascularite, TVE, pseodo-engelures) : Ne plus traiter (sauf au bout de plusieurs mois ou années en fn de l’évolution et après la pratique de 2 tests à lecture tardive pour minimiser le srisques
- COVID – (mais possible porteur sain dans les 2-3 jours précédents les symptômes ou une forme asymptomatique… ) : problème du portage essentiellement nasal (et oculaire par le canal naso-lacrymal) et donc du masque et des lunettes…: Précautions pour injecteur et précautions pour injectés (voir webinar GDEC-GL IMCAS Academy du 5 mai )
Dr A Le Pillouer Prost, Vice-présidente du GDEC
Conflits d'intérêts :
Allergan (board coolsculpting); Galderma (workshops, formations des visiteurs médicaux); Merz (boards, workshops)